DES MOYENS ET DES FINS POUR UN CADRE DE DEVELOPPEMENT POST 2015 EFFICACE

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Les OMD n’ont guère induit les changements et résultats escomptés notamment au Bénin.  …le modèle actuel de croissance alimentée par le haut ne bénéficie pas assez à la population. En effet, les bénéfices mesurés en termes de réduction de la pauvreté, santé maternelle, et survie des enfants sont bien loin de ce que les Africains sont en droit d’attendre[1]. « Allons à un nouveau cadre de développement plus réaliste avec des objectifs réduits et efficaces ».

Insécurité alimentaire et nutritionnelle toujours grandissant au Bénin

La couverture des besoins journaliers en énergie ne dépasse guère, pour plus du quart de la population béninoise, 1300 kilocalories au lieu de 2400, minimum nécessaire à un adulte moyen de 65 kg pour une vie active (Ministère du développement, 2011). Il s’ensuit une sous-alimentation et malnutrition avec leurs corollaires de maladies chroniques ou invalidantes. La situation des différents ménages en insécurité alimentaire est aggravée par la faiblesse du financement du secteur agricole et son orientation vers la filière coton. Ce qui a pour conséquence le manque de financement pour les interventions nécessaires pour donner l’impulsion pour une meilleure augmentation en quantité et en qualité du disponible alimentaire, toute chose indispensable pour inverser la tendance actuelle. Il faut US$ 41,3 par tête d’habitant pour espérer assumer la sécurité alimentaire au Bénin[2]. La Prévalence (%) de l’insuffisance pondérale chez les enfants de moins decinq (5) ans reste encore critique.

Le logement, véritable casse tête pour les béninois

La proportion réelle de personnes vivant dans les taudis n’est pas connue au Bénin. Les dix dernières années sont marquées par la multiplication des problèmes de l’habitat. Les méthodes de planification urbaine ont très peu évolué; à vrai dire, elles contribuent souvent aux problèmes urbains au lieu d’être des outils d’amélioration de la condition humaine et de l’environnement. Les rares politiques de logement qui existent ont échoué en ce qu’elles ont mis l’accent sur les constructions de standing élevé, extrêmement chères et donc réservées à une minorité au détriment de la majorité qui subit une crise chronique du logement. Ces  politiques et programmes ne sont pas en adéquation avec les besoins du plus grand nombre. Dans les grandes villes, il est fréquent de rencontrer femmes et enfants mineurs errer à longueur de journée sans toit ni domicile fixe. Les tendances actuelles sont aux antipodes des prévisions des OMD.

Les OMD n’ont pas profités aux personnes démunies

La Déclaration du Millénaire souligne la nécessité de concentrer l’aide au développement sur les groupes et les pays les plus pauvres. Le constat est tout autre. Les OMD ont négligé des secteurs essentiels pour les plus pauvres, comme l’agriculture, alors que trois quarts des plus pauvres en vivent et que la pauvreté urbaine découle en partie de l’insuffisance du développement rural.

L’approche des OMD reste essentiellement quantitative. Ceci ne permet pas de prendre pleinement en compte une approche pluridimensionnelle de la pauvreté. L’interdépendance entre l’éradication de la pauvreté et la prise en compte des inégalités, notamment par des politiques de redistribution, est insuffisante dans les OMD.

Parmi les OMD certains sont « non universels[3] ». La logique des OMD a essentiellement favorisé l’essor de politiques ciblant les populations se situant à proximité du seuil de pauvreté et pouvant donc le plus rapidement le dépasser. Les populations qui en étaient le plus éloignées ont souvent été délaissées et ont vu leurs conditions de vie se dégrader. Dans le secteur de l’éducation, par exemple, la pauvreté reste le principal obstacle à l’atteinte l’objectif de scolarisation universelle et les principaux bénéficiaires des politiques menées depuis dix ans ont été les moins pauvres des plus pauvres. La réalisation des OMD est mesurée au niveau national sans prise en compte des disparités fortes qui existent en fonction du revenu ou du milieu de résidence (rural/urbain).

Lacunes et autres éléments du cadre des OMD ayant  posé problème

Le premier écueil des OMD est le caractère non participatif de son élaboration. Ils ont essentiellement été conçus par les pays développés sans la participation effective des pays pauvres concernés. Le cadre général perd en cohérence en mêlant et plaçant sur le même plan des objectifs  hétérogènes. Les OMD privilégient également une approche fragmentée qui élude nécessairement de nombreuses dimensions du développement. L’approche quantitative des OMD a également fortement influencé le cadre opérationnel mis en place pour atteindre ces objectifs, générant une forte dépendance externe en termes d’expertise. L’approche quasi exclusivement centrée sur une problématique d’accès s’est faite au détriment de la qualité dans certains secteurs comme celui de l’éducation. Les progrès[4] réalisés dans l’atteinte des OMD ne sont pas nécessairement à attribuer aux objectifs eux-mêmes, mais beaucoup plus aux stratégies de croissance.  Même si elles accentuent les inégalités, elles se sont avérés plus efficaces que les OMD, au regard des millions de personnes sortis de la pauvreté dans les pays émergents.

Certaines cibles sont obsolètes au regard des évolutions du contexte international pour le développement, caractérisées par une diversification des défis, des acteurs et des sources de financement. L’OMD 8 en particulier qui appelle au renforcement du Partenariat global pour le développement ne prend pas suffisamment en compte le rôle croissant joué par les pays émergents et les bailleurs privés. Les indicateurs de cet OMD ne permettent pas non plus d’intégrer les contraintes spécifiques (institutionnelles,  sécuritaires ou politiques) des pays fragiles, et s’avèrent ainsi fortement dépassés au regard des avancées récentes du débat sur la réduction de la vulnérabilité. Cet OMD occulte d’une manière générale l’importance d’un développement endogène. La dimension inclusive de l’agenda et la prise en compte des inégalités amène à repenser le cadre des OMD sous un angle plus qualitatif. Plusieurs autres enjeux sont absents du cadre des OMD. C’est le cas des maladies non transmissibles, l’énergie, etc.

Le cadre de développement post 2015 que nous voulons

Le futur cadre post 2015 doit conserver l’ambition de définir un cadre de portée universelle à la forte puissance mobilisatrice et le principe d’un agenda centré sur un nombre restreint d’objectifs, assortis d’indicateurs et de cibles permettant de répondre au mieux aux différentes situations de développement des pays pauvres. Son processus d’élaboration devrait être plus participatif que ne l’a été celui des OMD.

L’universalité du cadre post 2015 ne sera pas seulement utile, mais essentielle pour améliorer la redevabilité sur les politiques de réduction de la pauvreté dans les pays en développement. Il serait opportun de prendre précisément en compte la question de la qualité des services délivrés, au cœur de la problématique de la redevabilité, en introduisant des nouveaux types d’indicateurs visant à mesurer l’impact des politiques de réduction de la pauvreté. Sur le plan financier, il convient de renouveler profondément les instruments de suivi du financement du développement pour tenir compte de la diversité croissante des situations nationales.

Le champ d’application du programme futur

L’objectif prioritaire du cadre post 2015 doit reposer sur les trois piliers : l’économique, le social et l’environnemental. Ce cadre doit être assez précis pour constituer un mandat actualisé aussi clair et mobilisateur tout en étant assez souples pour permettre son adaptation aux futures évolutions du contexte international du développement. Il doit définir des objectifs universels pour un développement durable et partagé pour tous les pays. Les cibles et les indicateurs pourront être déclinés dans certains cas de manière distincte selon le niveau de développement des pays notamment les pays pauvres. Ce nouvel agenda du développement doit pleinement prendre en compte l’ensemble des acteurs qui mènent des actions pour le développement ou ont la capacité d’en mener : pays donateurs et acteurs émergents, acteurs privés, entreprises ou fondations. Les OSC mais aussi autant que possible les populations pauvres dépourvues de représentativité institutionnalisée devront être consultées en amont, en marge et en aval des négociations pour pleinement intégrer leurs préoccupations. Le cadre post 2015 pourrait enfin permettre de mieux intégrer la représentation des acteurs non étatiques dans la gouvernance mondiale.

Financement du développement

La promotion d’un nouveau consensus en faveur du développement durable et inclusif pour l’après 2015 devra s’articuler à une nouvelle vision stratégique du financement du développement.  La position de Social Watch Bénin est centrée sur la nécessité de diversifier les sources de financement du développement durable dans son ensemble. Il faut une plus grande mobilisation des ressources domestiques, par un appui notamment aux réformes fiscales, au développement des financements privés, et des financements innovants, à un plus large recours aux partenariats financiers ainsi qu’au développement de nouveaux partenariats multi acteurs impliquant les acteurs émergents.

Le suivi du cadre post 2015 doit être plus participatif et transparent que ne l’a été l’évaluation de la réalisation des OMD afin d’accroître la redevabilité des gouvernements sur leur politique de lutte contre la pauvreté et leurs efforts pour garantir une transition vers des modèles de développement durables. Le système de suivi mis en place par les Nations-Unies, reposant sur les rapports préparés par les parties et les observations des organisations onusiennes, devrait donc mieux prendre en compte les évaluations menées par les autres acteurs du développement (étatiques ou non), surtout les retours des populations concernées par l’intermédiaire des OSC.

Défis prioritaires pour Social Watch Bénin

  1. Promouvoir le droit à l’alimentation et assurer des moyens de subsistance viables aux producteurs agricoles dans les Pays en développement ;
  2. Promouvoir les droits des femmes et l’égalité des sexes ;
  3. Promouvoir la santé et l’éducation pour tous ;
  4. Préserver l’environnement et le droit au logement ;
  5. Appuyer la gouvernance démocratique et la citoyenneté mondiale ;
  6. Promouvoir des règles économiques équitables ;
  7. Optimiser et accroître et  l’aide.

[1] Caroline Kende-Robb, Directrice exécutive de Africa Progress Panel

[2] MAEP, 2010

[3] Il s’agit de ceux relatifs : à la réduction de moitié l’extrême pauvreté, à la réduction de deux tiers le taux de mortalité des enfants, et de trois quarts celui des mères

[4] Rapports du SGNU sur les OMD mars 2010 et mars 2011