Ce que la Suisse devrait faire contre l’évasion fiscale, selon Alliance Sud

La nouvelle publication d'Alliance Sud et de la Déclaration de Berne montre comment l'évasion fiscale handicape les pays du Sud - et ce que la Suisse peut et devrait changer. L’évasion à l’étranger fait perdre chaque année quelque 284 milliards de dollars de recettes fiscales aux pays en développement. C’est plus que le double de l’aide au développement des pays de l’OCDE en 2011, selon la brochure.

Dans la publication accompagnée de fiches complémentaires, Alliance Sud et la Déclaration de Berne montrent comment la Suisse devrait soutenir les pays en développement dans la lutte contre l’évasion fiscale internationale.

L’évasion fiscale des particuliers et les pratiques d’optimisation fiscale des multinationales font perdre des sommes considérables aux pays en développement. Selon les estimations de l’OCDE désormais reconnues par le Conseil fédéral, ces pertes se chiffrent à quelque 850 milliards de dollars par an, soit près de sept fois le montant consenti par les pays du nord aux pays du Sud, au titre de l’aide publique au développement.

La brochure publiée par Alliance Sud expose comment la Suisse pourrait et
devrait aider les pays en développement dans leur lutte contre l’évasion fiscale internationale :

 

Echange automatique d’informations:

La Suisse devra, à moyen terme, introduire l’échange automatique d’informations entre autorités fiscales. Cette facilité ne devrait toutefois pas être réservée aux seuls pays politiquement influents. L’échange automatique d’informations permettrait en effet de dissuader les fraudeurs fiscaux dans les pays en développement. Le secret bancaire à l’égard de voisins ou d’employeurs trop cu rieux resterait garanti, comme il l’est dans d’autres pays.

 

Accords d’échange de renseignements fiscaux :

Sur la voie qui mène à l’échange automatique d’informations, la Suisse devrait accorder au plus vite une assistance administrative élargie aux pays du Sud. Un pas dans ce sens a été franchi en avril 2012, lorsque le Conseil fédéral s’est déclaré disposé à conclure des accords d’échange de renseignements fiscaux (TIEA pour «Tax Information Exchange Agreement»), plus simples à négocier que des conventions de double imposition (CDI). Cette déclaration d’intention doit désormais se traduire par des actes.

 

Niveau des retenues à la source dans les CDI :

Contrairement à ce que le Conseil fédéral a fait jusqu’ici, la Suisse devrait proposer des TIEA même aux pays en développement avec lesquels elle a déjà signé des CDI. Lorsqu’elles renégocient une CDI avec un pays du Sud, les autorités helvétiques devraient en outre s’abstenir de chercher à réduire les taux d’imposition à la source sur les licences et les intérêts payés par les filiales étrangères de sociétés suisses.

Ces prélèvements procurent effectivement aux pays en développement des recettes publiques dont ils ont un besoin urgent. De plus, ils offrent une certaine protection contre l’utilisation abusive que les multinationales font de ces licences et de ces intérêts pour transférer les bénéfices de leurs filiales vers la Suisse, où la fiscalité est plus avantageuse.

 

Imposition à la source des revenus des capitaux non déclarés :

Dans le cadre de l’accord sur la fiscalité de l’épargne avec l’Union européenne, la Confédération applique, depuis 2005, une retenue d’impôt sur les revenus de l’épargne des contribuables de l’UE. Des recettes fiscales sont ainsi reversées aux Etats concernés, même lorsque l’assistance administrative élargie n’a pas permis d’identifier l’existence d’avoirs non déclarés déposés en Suisse. Un tel impôt anticipé sur les intérêts et autres revenus du capital devrait impérativement être proposé aux pays en développement.

Lorsque ces pays sont des dictatures ou s’ils sont rongés par une corruption endémique, ces prélèvements devraient alimenter des fonds de développement et non les caisses de l’Etat.

 

Imposition rétroactive des avoirs non déclarés :

Du point de vue de la politique de développement, rien ne justifie qu’un système d’imposition à la source des revenus du capital soit assorti d’une clause libératoire.

Cela vaut aussi pour les pays dictatoriaux ou particulièrement corrompus. Dans ce cas, l’anonymat garanti par l’impôt libératoire suisse servirait surtout à protéger les élites entretenant des relations d’affaires avec leurs régimes. Par ailleurs, l’imposition rétroactive d’actifs non déclarés par le passé paraît pleinement indiquée.

 

Présentation des comptes des sociétés pays par pays (« country-by-country reporting ») :

Les sociétés multinationales devraient payer des impôts sur leurs bénéfices au lieu effectif de création de valeur et là où la production a pu s’appuyer sur une infrastruc­ ture et des prestations (formation du personnel, par exemple) financées par de l’argent public.

Afin d’éviter qu’elles ne transfèrent leurs bénéfices dans les cantons offrant les conditions fiscales les plus avantageuses, la Suisse devrait s’engager pour que les multinationales soient tenues de présenter leurs comptes pays par pays.

Cela vaut plus particulièrement pour celles qui bénéficient de prestations gouvernementales spécifiques (accords de protection des investissements, garantie des risques à l’exportation ou conventions de double im­ position, entre autres). Les régimes fiscaux privilégiés accordés aux sociétés holdings, principales, mixtes, auxiliaires et aux sociétés de domicile devraient être supprimés ou fortement réduits.

Plus d’information
Fiscalité et développement (en PDF) : http://bit.ly/L88jQs

Source
Alliance Sud : http://bit.ly/QqKJm4