L’ONU « saisie par le pouvoir des entreprises »
Published on Fri, 2012-04-27 11:25
À la veille de Rio2012, des organisations de la société civile partout dans le monde mettent en garde contre « l'influence croissante des grandes sociétés et groupes de pression des entreprises au sein de l'ONU ». Ces préoccupations sont devenues évidentes aussi lors de la treizième session de la CNUCED à Doha, où les pays riches essaient de minimiser le rôle de cet organisme, dont les rapports ont systématiquement critiqué les politiques de déréglementation, de libéralisation et de privatisation qui bénéficient le secteur privé. « Le préambule de la Charte des Nations Unes commence par les mots « Nous, peuples des Nations Unes ». Cependant, les intérêts des entreprises ont aujourd'hui de plus en plus la priorité sur les intérêts des peuples dans certains processus et institutions de l'ONU. [...] Les entreprises ont acquis une énorme influence sur les décisions de l'ONU, », relève une déclaration lancée cette semaine par plusieurs organisations internationales de la société civile. Le texte a été initialement signé par les Amis de la Terre International, Corporate Europe Observatory, La Via Campesina, Jubilee South/Americas, Servicio Paz y Justicia (SERPAJ-Amérique latine), l'Institut Polaris, Le Conseil des Canadiens, The Transnational Institute, Le Réseau du Tiers-Monde (TWN), la Marche mondiale des femmes. Ces organisations ont demandé d'autres à se joindre à elles parce qu'elles considèrent que « l'ONU est actuellement l'institution mondiale la plus démocratique et appropriée pour les négociations internationales. » « La pression des entreprises au sein des négociations de l'ONU a réussi à bloquer des solutions efficaces pour des problèmes liés au changement climatique, la production alimentaire, la violation des droits humains, l'approvisionnement en eau, des questions de santé, la pauvreté et la déforestation », ajoute la déclaration, intitulée « Mettre fin à la capture des Nations Unies par les entreprises », qui exige « plus de renforcement des institutions et des processus multilatéraux dans le cadre des Nations Unies, les rendant plus démocratiques et plus sensible aux besoins des personnes ». « Pas besoin de demander qui est en charge aujourd'hui : les gouvernements ne consultent plus les entreprises, les entreprises consultent les gouvernements », selon les organisations signataires. La Conférence des Nations Unies pour le développement durable (Rio2012) qui se tiendra en juin au Brésil « devrait être saisie comme l'occasion de [...] mettre fin à des partenariats douteux entre l'ONU et des entreprises, et mettre fin à l'accès privilégié qui a été accordé au secteur des entreprises et par conséquent l’influence excessive qu’il est capable d’exercer sur d’importants processus et décisions multilatéraux », disent-ils. La déclaration fait remarquer plusieurs partenariats qui engagent les organismes des Nations Unies, y compris l'UNICEF, le PNUD, l'OMS et l'UNESCO, avec « de grandes entreprises transnationales ». Le Programme des Nations Unies pour l'environnement (PNUE) a établi des partenariats avec des firmes pétrolières et minières comme ExxonMobil, Rio Tinto, Anglo American et Shell, « qui sont toutes impliquées dans des violations des droits humains et la destruction de la biodiversité », selon l'étude. « D'autres exemples comprennent : des partenariats entre The Coca Cola Company et le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) sur la protection des ressources en eau, et BASF et Coca-Cola avec ONU-HABITAT sur l'urbanisation durable. Ces partenariats non seulement portent atteinte à la crédibilité de l'ONU, ils sapent aussi sa capacité et sa volonté de réagir et de réglementer le secteur des entreprises là où il est impliqué dans des violations des droits sociaux, environnementaux et humains », avertit la déclaration. Le Pacte mondial des Nations Unies, défini comme une plateforme mondiale qui réunit les entreprises avec les organismes des Nations Unies, la main-d’œuvre et la société civile, permet « aux contrevenants des droits humains d’y participer » et les aide à « améliorer leur image et leurs bénéfices, au lieu de promouvoir des obligations contraignantes contribuant à changer les performances des entreprises. » Cette alliance « donne la fausse impression que les Nations Unies et des sociétés transnationales partagent les mêmes objectifs », avertissent les organisations signataires. Dans le chemin vers Rio2012, la pression des entreprises facilitée par les partenariats de l'ONU avec la Chambre de commerce internationale et le Conseil mondial des entreprises pour le développement durable a conduit à un projet de déclaration finale qui renforce le rôle des entreprises en tant que prometteuses de la soi-disant économie verte, mais qui échoue complètement à aborder le rôle des entreprises dans l’apparition des crises financière, climatique, alimentaire, entre autres. La déclaration demande à l'ONU et ses Etats membres « de résister à la pression des entreprises de les donner une position privilégiée dans les négociations des Nations Unies » et « d’arrêter la mise en place de nouvelles instances de discussion et groupes de haut niveau (et dissoudre ceux qui existent déjà) qui accordent » cette participation puissante. Elle recommande également que « les représentants des entreprises ne devrait pas faire partie des délégations nationales participant aux négociations de l'ONU ». « L'ONU doit révéler toutes les relations et les liens existants avec le secteur privé » et doit introduire « un code de conduite pour les fonctionnaires des Nations Unies, y compris une période de « refroidissement » au cours de laquelle les fonctionnaires ne peuvent pas commencer à travailler pour des groupes de pression », ajoute le texte. Le système des Nations Unies doit également surveiller, selon les organisations de la société civile, « les impacts des sociétés sur les personnes et sur l'environnement, et établir un cadre juridiquement contraignant des obligations qui peuvent tenir les compagnies responsables vis-à-vis de l'environnement, des droits humains et des lois des droits du travail ». En même temps, à la treizième session de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED XIII) qui s'est tenue cette semaine à Doha, au Qatar, le groupe des économies riches formé par l'Union européenne, l’Australie, le Canada, le Japon, le Liechtenstein, la Nouvelle-Zélande, la Corée du Sud, la Suisse et les Etats-Unis, ont cherché à imposer un mandat à l'organisation pour pousser les pays en développement à adopter la protection des investisseurs et des politiques commerciales en conformité avec les intérêts des entreprises des pays développés, a rapporté le Réseau du Tiers-Monde (TWN). D'autre part, des organisations de la société civile qui participent à Doha ont appelé à la levée des contraintes sur l'espace politique des pays en développement déterminées par des accords de libre-échange et des accords d'investissement, ainsi que par des conditions imposées par des donateurs et des institutions financières internationales. La CNUCED a été créé pour offrir des analyses et des conseils aux gouvernements sur des questions de développement liées au commerce, aux finances et à la technologie, entre autres choses. Sa conférence précédente a convenu à Accra d’élargir le mandat de l'organisation. Au cours des années, les analyses produites par la CNUCED ont systématiquement souligné les dangers de la libéralisation et la déréglementation des marchés et des finances qui ont produit la crise économique actuelle. Sources |