Le cha-cha-cha sur le climat continue

Nicole Werner
(Photo: Alliance Sud)

Une nouvelle conférence de l’ONU sur le climat aura lieu fin novembre à Durban (Afrique du Sud). C’est la dernière chance pour assurer sans interruption une suite au protocole de Kyoto qui échoit en 2012, selon Nicole Werner, experte d’Alliance Sud, point focal de Social Watch en Suisse.

Les Etats négocient depuis des années des mesures de lutte contre les changements climatiques. Il y a un an à  Cancun (Mexique), ils ont entériné le principe d’un réchauffement maximal de 2°C par rapport à l’ère pré-industrielle. Le fossé cependant reste énorme entre ce qu’il conviendrait de mettre en œuvre pour atteindre cet objectif et ce sur quoi les Etats se sont accordés jusqu’ici. Il est grand temps de passer aux actes, a écrit Werner dans un article publié par le magazine Global+.

La préparation de Durban a permis quelques petits pas qui pourraient s’accroître d’ici à fin novembre. Les négociations ont avancé avant tout sur trois fronts : un nouveau mé- canisme de transfert de technologie, un conseil permanent pour la surveillance du fonds climatique en faveur des pays en développement ainsi qu’un comité chargé d’appuyer les pays en développement dans la lutte contre les conséquences des changements climatiques. A Cancun, les pays industrialisés ont promis aux pays en développement de mettre à disposition, dès 2020, 100 milliards de dollars par an pour les aider à réduire leurs émissions de CO2  et à s’adapter aux changements climatiques. A cette fin, la conférence de l’ONU a décidé de créer un Fonds vert pour le climat. On ne sait pas encore comment les pays industrialisés – dont la Suisse – entendent financer leur contribution. Avec la crise économique mondiale et l’endettement élevé de nombreux pays, on peut craindre un nouveau renvoi aux calendes grecques des mesures tangibles de politique climatique ainsi que du financement de mesures au Sud.

Peur du protectionnisme vert Les pays en développement s’opposent à des mesures unilatérales des pays industrialisés, de peur qu’elles ne se répercutent négativement sur leur développement économique. Les Etats-Unis et l’Union européenne discutent de projets de loi prévoyant des taxes sur le CO2  contenu dans les produits importés. Dès 2012, les émissions des avions devraient être intégrées dans le marché européen des émissions. C’est pourquoi Martin Khor, directeur du South Centre – think tank qui conseille les pays en développement – demande l’établissement d’un forum dans le cadre de la Convention sur le climat.

Cet organe aurait pour tâche d’évaluer les effets des mesures climatiques du Nord sur les pays pauvres et d’ouvrir un débat avant leur introduction.

Pour atteindre l’objectif de 2°C, le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) a calculé que les émissions mondiales de gaz à effet de serre ne devraient pas excéder 44 gigatonnes (Gt) par an. Cela signifie une réduction de 12 Gt par rapport au scénario du business as usual. Les diminutions conditionnelles promises par différents Etats dans le cadre de l’accord de Copenhague atteindront au maximum 7 Gt. Il reste donc une différence d’au moins 5 Gt.

Selon les milieux scientifiques, les mesures annoncées conduiraient à une augmentation de 2,5 à 5°C jusqu’à la fin du siècle. Le plafond de 2°C pourrait donc être, dans le pire des cas, déjà dépassé dans 30 ans.

Certains experts prévoient cependant une évolution incontrô- lable aux effets dévastateurs déjà avec un réchauffement global de 1,5°C.

Pays industrialisés à la traîne Les pays industrialisés ont promis une réduction de 7 à 13% de leurs émissions de gaz à effet de serre jusqu’en 2020, par rapport à 1990. Pour atteindre l’objectif de 2°C, le PNUE estime qu’il faudrait au moins le double, soit 25 à 40%. Une réduction rapide supplémentaire de 20% serait nécessaire jusqu’en 2050.

Selon l’Agence internationale de l’énergie, les pays de l’OCDE sont responsables de 40% des émissions globales et de 25% de leur augmentation. Les pays en développement sont donc les principaux émetteurs en tonnes. Mais pas par habitant : avec 10 tonnes par an, les pays de l’OCDE émettent presque cinq fois plus que le reste du monde. Un Américain des Etats-Unis produit donc en moyenne trois fois plus d’émissions qu’un Chinois.

Alors que les pays en développement ne portent, historiquement, qu’à raison d’un quart la responsabilité des changements climatiques, ils ont – selon une étude du Stockholm Environment Institute – promis plus de réductions que les pays industrialisés. La Chine pourrait diminuer ses émissions deux fois plus que les Etats-Unis jusqu’en 2020. Les pays en développement ensemble pourraient atteindre une baisse  trois fois supérieure à celle promise par l’Union européenne. C’est pourquoi les ONG internationales exigent des pays industrialisés qu’à Durban ils assument leur responsabilité et acceptent les réductions d’émissions nécessaires jusqu’en 2020. Ils devraient, de plus, montrer clairement comment ils entendent réaliser la décarbonisation de leurs économies jusqu’en 2050.

L’avenir du protocole de Kyoto Le protocole de Kyoto ne porte pas que sur les réductions d’émissions des pays industrialisés. Il définit aussi des mécanismes par lesquels ceux-ci peuvent soutenir des projets climatiques dans les pays pauvres afin de réaliser leurs engagements.

Depuis la ratification du protocole en 2005, des centaines de projets ont été financés par le marché des certificats d’émissions de CO2 . Si le protocole devait échoir l’année prochaine sans accord de prorogation, de nombreux investissements et emplois seraient mis en question dans le monde.

Le Japon, le Canada et la Russie ont déjà annoncé leur refus de signer un accord post-Kyoto. L’Union européenne et la Suisse ont adopté jusqu’ici la même position, si les grands pays émergents ne s’engagent pas aussi à des réductions. Il n’est pas exclu cependant que l’Union européenne accepte à Durban le principe d’un prolongement de l’accord jusqu’en 2018.

A une condition toutefois : qu’il soit alors remplacé par un nouveau traité rassemblant tous les grands émetteurs. L’absence d’accord à la conférence de Durban ouvrirait grand la porte à de nouvelles augmentations des émissions. La planète pourrait se réchauffer encore plus vite que prévu. Au point que personne n’aura bientôt plus besoin de s’habiller chaudement.

Source

Alliance Sud : http://bit.ly/ohZxzk