Société civile lutte pour la transparence en matière d’assistance
Published on Tue, 2011-11-15 07:38
Trois semaines avant le Quatrième Forum de haut niveau sur l’efficacité de l’aide à Busan, en Corée du Nord, la société civile ne cache pas sa déception par rapport aux résultats prévus. « Dans des réunions tenues à huis clos, dans un relatif "clair-obscur", les gouvernements donateurs font des tentatives de dernière minute pour renier ses engagements en matière de transparence de l’aide », a résumé Claudia Elliot, porte-parole de la campagne Make Aid Transparent. Tout le processus semble semer le doute sur la notion même d’assistance au développement. Les 101 organisations qui composent ce réseau international, créé en juin, considèrent que « le temps pour assurer » que les pays donateurs « renforcent les engagements » qu’ils ont assumés à ce sujet « se termine ». Parmi ces organisations figurent la Déclaration de Rome (2002), la Déclaration de Paris sur l’Efficacité de l’Aide (2005) et l’Agenda d’Accra (2008), souscrites aussi par les pays en développement, par les agences multilatérales et internationales et par les banques de développement. Dans les préparatifs du Forum de Busan, qui démarrera le 29 et se terminera le 1er décembre, il manque des « engagements spécifiques et des délais en matière de transparence quant à l’aide de la part des donateurs », si bien que « les pays bénéficiaires d’assistance continuent à ignorer ce qui se passe », a averti Make Aid Transparent. Nonobstant, les donateurs ont fait moins de progrès que les pays en développement en ce qui concerne l’observance de leurs engagements sur cette question, même si cela leur exigeait de faire un effort moins important que celui fait par ces pays, selon le rapport « Efficacité de l’aide 2005-2010 : le progrès quant à la mise en place de la Déclaration de Paris », publié en septembre par l’Organisation pour la coopération et le développement économiques (OCDE). L’étude a qualifié les résultats des pays bénéficiaires d’aide de « significatifs » alors que ceux des membres de l’OCDE, qui se taillent la part du lion de l’assistance au développement (120.000 millions de dollars annuels) n’ont pas réussi à ce que ces fonds aient des effets importants sur la réduction de la pauvreté, selon BetterAid, un réseau regroupant plus de 700 organisations de la société civile. L’OCDE, composée de 34 membres, parmi lesquels figurent toutes les économies du Nord riche, a été un acteur particulièrement actif dans le processus ouvert avec la Déclaration de Rome. La présence de l’OCDE ne fait pas l’objet d’applaudissements unanimes. Un groupe de travail composé d’organisations marocaines Espace-associatif, Ligue démocratique pour les Droits de la Femme et l’Association Troisième Millénaire a proposé un « élargissement du cadre mondial de collaboration pour le développement au moyen de l'insertion du système des Nations Unies dans le suivi du processus (au lieu de l’OCDE), en vue d’une resignification de l’alliance pour le développement démocratique ». La Déclaration de Paris reconnaît le droit des pays bénéficiaires de fixer leurs propres priorités de développement, engage les pays donateurs à aligner l’aide sur ces priorités et à renforcer les institutions des nations bénéficiaires. Elle engage également les deux parties à mesurer les résultats, à rendre réciproquement des comptes et à rendre compte aux parlements et au grand public. L’Agenda d’Action d’Accra, va encore plus loin dans cette ligne. Elle engage les donateurs à faire une estimation de l’assistance qu’ils prévoient d’apporter avec trois à cinq ans à l’avance, elle reconnaît aux pays en développement la priorité à l’heure de déterminer la distribution de l’aide, elle limite les conditions qu’il était jadis d’usage, pour lesquelles les donateurs déterminaient la manière de dépenser l’argent qu’ils apportaient et aussi celles qui empêchaient les bénéficiaires d’acquérir des biens et des services d’une meilleure qualité et à un prix plus bas. La transparence est à la base des deux accords. La réunion d’Accra « a reconnu qu’une coopération efficace pour le développement exige une propriété démocratique, de la transparence et un milieu propice pour l’action de la société civile », a expliqué Michèle Laubscher, expert en coopération de l’organisation suisse Alliance Sud. « Une autre idée qui a pris de l’élan à l’occasion d’Accra : l’assistance peut contribuer modestement au développement social et économique des pays pauvres. Les politiques des gouvernements de ces pays sont beaucoup plus importantes de même que les facteurs extérieurs tels que l’économie mondiale et les conditions commerciales, […] dictées généralement par les nations industrialisées. En conséquence, les futures discussions devraient parler devraient se référer « efficacité du développement » plutôt que d’ « efficacité de l’aide ». Peu de semaines après la conférence tenue à Accra, la crise économique et financière mondiale a éclaté et la réaction des pays donateurs a été le réajustement fiscal. Les nations riches ont tourné « de l’encouragement fiscal à la discipline fiscale, dans le but de maintenir ou de récupérer la confiance dans les marchés financiers », a évalué en septembre la Conférence des Nations Unies sur le Commerce et le Développement (UNCTAD). Parmi les dépenses coupées a figuré celle de l’assistance au développement. « Les nations les plus riches ne peuvent pas utiliser la crise économique comme une excuse pour ne pas observer leurs engagements », a dit Tony Tujan, co-président de BetterAid. « Le monde fait face à des crises politiques, financières, économiques, alimentaires, climatiques et énergétiques les unes en rapport avec les autres, et une grande partie de la charge est supportée par les communautés appauvries et marginalisées », a averti Mandeep Tiwana, de l’Alliance Mondiale pour la Participation Citoyenne (Civicus). « Les budgets d’assistance au développement sont menacés […]. Le monde a besoin d’un changement urgent du vieux concept d’assistance en tant que charité et parrainage à un autre nouveau, celui de travail de concert vers le bien commun. Il est essentiel de redéfinir la coopération au développement, de tracer l’esquisse d’un nouveau paradigme pour lequel ceux qui sont vulnérables et marginalisés ne soient pas laissés de côté ». « De récentes évaluations mettent en évidence le résultat médiocre des donateurs en ce qui concerne l’observance de leurs engagements. Et même, nombreux sont ceux qui renient maintenant leurs promesses sur l’efficacité de l’aide », a dit Jenny Del Rosario Malonzo, de l’organisation Reality of Aid aux Philippines. Jean Kamau, d’ActionAid au Kenya, a mis en question en particulier le cas de l’Union Européenne (UE). « L’aide est sous attaque, sous l’influence des intérêts égoïstes du bloc. C’est déjà assez mal que la plupart des pays de l’UE réduisent l’assistance mais utiliser cela pour masquer leurs priorités domestiques ou en matière de politique extérieure est quelque chose de tout à fait inacceptable », a-t-il souligné. Cependant, les organisations de la société civile ne renoncent pas à leurs efforts. Au cours de six mois, la campagne Make Aid Transparent a recruté 101 organisations et plus de 6.000 adhésions personnelles dans le monde entier. Son but est d’atteindre 10.000 signatures pour exhorter les ministres présents à Busan à imposer aux donateurs « des engagements et des délais spécifiques sur la transparence dans l’aide ». Autrement, « les pays bénéficiaires de l’assistance continueront à être dans le noir sans savoir ce qui se passe », a averti la campagne. Plus d’information Ce rapport est basé sur les données provenant des sources ci-dessous |