La croissance doit déboucher sur la justice sociale

Decidamos : Campaña por la expresión ciudadana
María Magdalena Molinas Maldonado[1]     
José Guillermo Monroy Peralta[2]

Le Gouvernement actuel s’est fixé trois grands axes de travail : celui du développement social et humain, l’axe économique productif et l’axe politique institutionnel. Les recettes fiscales et les plans d’aide pour le développement signifient davantage de ressources pour répondre aux demandes sociales et à l’investissement en infrastructure, ainsi qu’aux engagements de la dette extérieure. Les efforts pour atteindre les Objectifs du millénaire pour le développement ( OMD) doivent être accompagnés de changements dans le modèle de développement permettant une plus juste redistribution de la richesse et une plus grande protection des secteurs vulnérables. Pour ce faire l’État doit convoquer et coordonner ses efforts avec des institutions et des organisations de tous les secteurs de la société.

Depuis la fin de l’an 2000 le Gouvernement du Paraguay travaille à la conception de sa Stratégie nationale de lutte contre la pauvreté.  Fin 2003 il  était parvenu à sa concrétisation dans un document spécifique qui  fixait les plans et programmes pour la période 2003 – 2008, même si  la réalisation de ses objectifs  est prévue pour 2015. Son objectif principal est la réduction de l’incidence de l´extrême pauvreté de moitié pour 2015. Pour ce faire elle conçoit des outils de politiques publiques et prévoit la création de réseaux de promotion et de protection sociale à travers neuf programmes portant sur l´ extrême pauvreté, l’accès à l’eau potable, l’inscription à l’éducation universelle, la mortalité maternelle et infantile des moins de 5 ans, et la diminution de la malnutrition des moins de 5 ans. Elle se propose aussi de réduire l’analphabétisme de 50 %, d’augmenter les choix de l’éducation précoce et de parvenir à l’accès universel aux services de santé de reproduction3.

Récupération économique

Le Paraguay a connu un important processus de récupération économique pendant la décennie 2000 – 2010. Après plusieurs quinquennats de stagnation économique et  de variations négatives du Produit intérieur brut (PIB), le produit réel a augmenté de façon consistante à partir de l’an 2000. Le taux moyen de croissance pendant la période 2003 – 2008 a été de 4,8 % annuel, largement supérieur à la moyenne de la période 1995 – 2002, qui avait été de 0,85 % annuel4.

Cependant, selon le ministre des Finances, Dionisio Borda, cet accroissement  n’a pas été suffisant pour la création d’emplois décents, puisque par exemple, le sous-emploi est passé de 24,2 % à 26,5 % entre 2004 et 2008. Ces contradictions démontrent l’existence d’une économie à deux vitesses : formelle - informelle, mécanisée - artisanale, et qu’en temps d’essor la croissance économique ne crée pas assez d’emploi et ne réduit pas non plus le sous-emploi5.

La récupération de l’activité économique s’est basée sur  l’accroissement de la production des cultures principales telles que le soja, sur  l’expansion des secteurs du bâtiment public et privé, sur l’accroissement de la production du cheptel et sur un plus grand volume du commerce et du transport. Toutes ces activités ont été encouragées par  le niveau important de liquidité financière interne, par des prix internationaux compétitifs, par la récupération de marchés extérieurs et surtout par la prévisibilité des variables nominales principales, grâce à la stabilité macroéconomique obtenue lors de la période récemment écoulée, indispensable pour le calcul des coûts des entreprises6.

Cette  récupération économique s’est accrue parallèlement aux recettes fiscales,  ce qui a permis à l’État de compter sur de plus grandes ressources pour prendre en charge les demandes sociales de la population et l’investissement en infrastructures économiques et, en même temps, de respecter les engagements de la dette extérieure.

Le pays présente  de nombreuses difficultés en raison de la faible compétitivité de l’économie provoquée par le déficit de son infrastructure routière, le faible niveau de son développement technologique et  sa main d’œuvre très peu scolarisée :

  • Seulement 6.700 kilomètres sur les 60.000 kilomètres de routes du pays sont praticables pendant toute l’année et à peine 100 kilomètres sont goudronnés par an.
  • La scolarité moyenne dans la population des plus de 25 ans est de 7,5 ans.
  • 90 % de la population des 19 - 25 ans du quintile le plus pauvre ne fréquente  aucun centre d’enseignement (567.000 personnes).
  • Le taux d’analphabétisme atteint encore 5,4 % d’après les données de 20077

 

Dette et accroissement

D’après  les informations officielles de la Banque centrale fin 2009 et en raison de la crise financière internationale, le PIB a présenté un taux de croissance négatif  (-3,8 %) par rapport à l’année précédente bien que pour 2010 les prévisions soient favorables (jusqu’à 6 % de croissance). Le PIB par habitant a également diminué pour arriver à -5,5  %. Le niveau atteint en termes réels a été de USD 1.471 en 2009 contre USD 1.557 en 2008.

L’évolution négative de l’année 2009 a été influencée par une demande extérieure inférieure, qui a diminué d´environ 20 % en termes constants, et dont la valeur en dollars s’est fortement réduite en raison des prix extérieurs plus bas pour les principaux produits d’exportation.

En 2009 le secteur agricole est tombé de 20,2 %  à 16 % du PIB alors que le secteur commercial, avec 18,1 % de participation, est passé au premier rang de l’activité économique, avant l’agriculture et l’industrie.

La dette extérieure du pays a atteint USD  2.270 millions en septembre 20098. La dette extérieure publique, en pourcentage du PIB, montre une tendance à la diminution pour la sixième année consécutive, et elle est passée de 52,1 % en 2005 à  20,5 % estimés pour 2009. Ceci grâce aux amortissements qui ont diminué peu à peu le solde de la dette9.

Investissement social

Le Gouvernement actuel de Fernando Lugo (2008 -2013) s’est fixé trois grands axes de travail : le développement social et humain, l’économie productive et la politique institutionnelle, ainsi que trois étapes : le temps de la crise (qui implique commencer par le bas), l’ajustement anticrise  et le legs 2013, qui sera constitué par des projets qui devront être consolidés en 2011, l’année du bicentenaire de l’indépendance nationale.

Parmi les programmes ou projets mis en œuvre sont inclus :  la suite et l’expansion du Réseau de protection sociale, l’Installation de  couverture primaire de la santé comme modèle prioritaire pour atteindre les secteurs les plus pauvres, le Programme de couverture intégrale pour enfants et adolescents sans abri et sans liens de famille, le Plan national de souveraineté, de sécurité alimentaire et nutritionnelle du Paraguay, le Plan d’action d’urgence pour les populations indigènes, une politique de réforme agraire permettant l’accès des paysans à des parcelles, ainsi que la création du Réseau des droits de l’Homme du Pouvoir exécutif.

Plusieurs analyses sur le budget, produites par des agences du Système des Nations Unies au Paraguay,  prouvent que durant les dernières années, l’investissement social s’est accru dans plusieurs domaines liés aux OMD. Par exemple, d’après les données de l’Organisation pour la coopération et le développement économique, en 2008 l’investissement social a été de  PYG 7.089 millions (quelque USD 1.470 millions), équivalant à 48 % du Budget général de dépenses. Ceci est bien supérieur aux chiffres enregistrés en 2003, lorsqu’on avait inclus un peu plus de USD 550 millions destinés à l’investissement social, équivalant à 36 % du budget de cette année-là. 

Financement pour le développement

La Coopération pour le développement comprend l’ensemble des actions des acteurs publics et privés des pays ayant des revenus plus élevés afin de promouvoir dans les pays du sud, le progrès économique et social durable et plus équilibré par rapport à ceux du nord.

Dans le cas du Paraguay, l’information sur les formes de coopération pour le développement ne se trouve ni systématisée ni publiée. Selon les documents de l’UE, le long de la période 2000 – 2006 cette organisation a apporté des fonds pour les processus de :
·         Modernisation de l’État et développement institutionnel (11,6 %).
·        Développement de la production et amélioration  de la compétitivité et intégration dans le Marché commun du sud (42 %).
·         Développement social et réduction de la pauvreté (46,4 %).
Pendant la période 2007 -2013, l’UE apportera des fonds pour une valeur de près de USD 149 millions, destinés notamment à :

  • L’éducation (primaire, secondaire et technique : 81,2 %).
  • L’intégration régionale et internationale (18,8 %).

Pour sa part, le Programme des Nations Unies pour le développement au Paraguay pour les années 2007 – 2011 est axé sur trois zones de services et la stratégie aura pour base le conseil pour la conception des politiques publiques et la mise en œuvre des services de développement10.

L’Agence allemande pour la coopération technique agit depuis plus de 30 ans et elle est l’une des  plus anciennes du pays. Lors de la dernière négociation bilatérale en octobre 2006, on a accordé la coopération jusqu’en 2010 pour la Modernisation et décentralisation de l’État, y compris la réduction de la pauvreté.

L’aide de l’Agence des États-Unis pour le développement international (USAID, selon son acronyme en anglais) au Paraguay est canalisée à travers plusieurs institutions, y compris des institutions privées des États-Unis et du Paraguay et des ONG locales et internationales. Le Plan stratégique 2001 – 2006 est centré sur :
·        La démocratie – l’institution des pratiques démocratiques clé de gouvernance.
·        L’environnement – l’amélioration du maniement durable des éco-régions à importance mondiale.
·         La santé – l’augmentation de l’utilisation volontaire des services de la santé de la reproduction.
·         La croissance économique – l’augmentation de l’entrée des pauvres dans des zones sélectionnées.
En coopération avec la Corporation Enjeu du Millénaire, USAID encourage le Programme Umbral (Seuil) qui essaie de lutter contre la corruption en attaquant les racines du problème telles que l’impunité et l’informalité dans l’économie. Le programme a été approuvé par la Junte directive de la corporation en février 2006, avec des fonds de financement pour une valeur de quelque  USD 35 millions.

En novembre 2009 la Banque interaméricaine de développement (BID) et l’Espagne ont approuvé un financement de USD 52 millions afin d’aider à élargir l’accès aux services d’eau potable et à l’assainissement dans de petites communautés rurales et indigènes. Les fonds en question comprennent un don de USD 40 millions du Fonds espagnol de coopération pour l’eau et l’assainissement en Amérique Latine et aux Caraïbes et un prêt de USD 12 millions du capital ordinaire du BID. La Banque prévoit une coopération totale d’environ USD 1 milliard  pendant la période de Lugo. Ces emprunts seront destinés au développement des travaux routiers, à l’assistance sociale et aux infrastructures.

ODM : analyses et enjeux

D’après les données de la Direction générale des statistiques, enquêtes et recensements,  en 2008, 37,9 % de la population totale du pays vivait en situation de pauvreté et 19 % en situation d´ extrême pauvreté11. D’autre part la crise économique mondiale de 2009 a provoqué l’arrivée de 300.000 autres personnes sous le seuil de pauvreté. Cela rend improbable l’objectif numéro 1 de réduire de moitié le pourcentage des personnes vivant en situation d’extrême pauvreté.
Quant aux objectifs numéro 2 et numéro 3, bien que le pays présente des niveaux d’équité assez élevés concernant l’inscription dans l’enseignement primaire et secondaire, des enjeux liés à la couverture, à l’infrastructure et au décrochage sont encore bien réels.

Le pays a besoin de la mise en place de politiques et de programmes garantissant l’autonomisation des femmes à travers l´exercice de leur qualité de citoyennes et la participation dans des espaces de prise de décision. Il est urgent d’intégrer de manière transversale la perspective de genre dans les politiques conçues et mises en œuvre par l’État, ainsi que la disponibilité d’un budget en fonction des actions nécessaires pour  institutionnaliser ces questions.

La réduction des taux de mortalité maternelle et infantile exige des politiques d’accès aux services, l’élargissement de la couverture, des soins pendant la grossesse et  la prise en charge de l’accouchement et de la période post-natale.  Il est important de renforcer la conception, la collecte, le processus et la publication opportune des données dans ce domaine.

En ce qui concerne le VIH et le SIDA, bien que l’on fasse des efforts importants, des cas de discrimination et le manque d’accès aux médicaments rétroviraux pour toute la population touchée sont encore d’actualité. En attendant, la durabilité de l’environnement aussi bien que l’alliance globale  pour le développement semble bien loin du but.

En résumé, on pourrait affirmer qu’aux intentions manifestes et effectivement mises en pratique par le Gouvernement actuel - au moyen de plans et de programmes concrets – qui cherchent à améliorer la situation sociale des paraguayens (les rapprochant ainsi des OMD) il faudrait ajouter une plus grande et plus efficace coordination pas seulement entre le Gouvernement et les pays donateurs, mais aussi avec les acteurs de la société civile.

 

[1] Professeure en Sciences sociales pour la FLACSO-Mexique. Spécialiste en politiques sociales, suivi et évaluation de programmes sociaux.

[2] Docteur en Sciences sociales pour la FLACSO-Argentine