Les ODM demeurent inaccessibles

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Coalition Social Watch-Ghana

Depuis trente ans, le Ghana dépend de l’aide étrangère et des institutions financières internationales ce qui a conduit le pays au chômage généralisé, à d’énormes déficits de la balance des paiements et à une faible production industrielle et agricole. La Constitution de 1992 ainsi que d’autres instruments nationaux, régionaux et internationaux offrent un cadre légal et des politiques spécifiques pour améliorer le bien-être et la protection de femmes et des enfants. Cependant, le faible investissement de l´ État en éducation, santé, ressources aquatiques et développement rural montre la faible priorité de ces objectifs. Les possibilités d’atteindre les Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) pour 2015 semblent lointaines.

L’économie du Ghana dépend totalement de l’aide de la Banque mondiale, du FMI et d’autres donateurs. La majorité de cette aide est liée aux projets choisis par les donateurs, ce qui réaffirme la dépendance et empêche le pays d’investir dans les secteurs les plus critiques qui pourraient améliorer la vie de ses citoyens.

La Stratégie pour la croissance et la réduction de la pauvreté (sigle en anglais, GPRS II), le principal outil de développement, établissait les objectifs et les stratégies macroéconomiques pour la période 2006-2009[1]. Son objectif primaire était de faire parvenir le Ghana au statut de pays à revenu moyen pour 2015. Cependant, une étude de l’UNICEF[2] a démontré que les mesures de protection sociale, telles que le Plan national d’assurances pour la santé (sigle en anglais, NHIS), l’Impôt de subvention pour l’éducation ainsi que le programme de transferts monétaire appelé Autonomisation des moyens de subsistance contre la pauvreté (sigle en anglais, LEAP) n’améliorent pas la possibilité des femmes et des enfants d’accéder aux services sanitaires et à l’éducation. Le Ghana occupe la 152ème position de l’indice de développement humain (IDH) de 2009, avec 0,5 point, une réalité qui rend difficile la réalisation des OMD pour 2015.

Recettes et déficit budgétaire

Selon les accords du GPRS I et II, la réussite des OMD constitue une des principales stratégies du Ghana pour essayer de se convertir en un pays à revenus moyens. Cela implique la mobilisation efficace des ressources (revenus de l’État, financement des donateurs et investissements privés). Bien que des fonds de l’initiative des Pays pauvres très endettés (PPTE) et du Compte enjeux du Millénaire (sigle en anglais, MCA) aient été  octroyés à des programmes de protection sociale, le Gouvernement n’a pas mobilisé de manière efficace les ressources et l’éternel déficit budgétaire persiste : 15 % du PIB en 2008, 9,4 % en 2009 et l’on prévoit une réduction à 6,0 % en 2010[3].

Le rapport sur le Budget 2010 signale que « le total des revenus et des subventions a atteint GHS 7,2 milliards  (USD 5,1 milliards) rien que pour l’exercice 2009, ce qui signifie une chute de 3,5 % par rapport au budget prévu initialement », une insuffisance attribuée à la chute de 2,8 % des revenus internes et de 6,5 % de dépenses en subventions. Le budget 2010 prévoit des revenus de USD 6,8 milliards, avec une inflation annuelle de 10,5 %. Ces projections ne se réaliseront probablement pas et le Gouvernement continuera à dépendre des prêts du FMI habituellement accompagnés de
« clauses de dépenses restreintes » pour les programmes sociaux.

En général, Le Financement pour le Développement (FpD) n’arrive pas à répondre aux objectifs fixés en raison des faibles montants des fonds ou du mauvais usage que l’on en fait, dans un contexte macroéconomique instable. La croissance du PIB et l'inflation ont fluctué, notamment en 2008-09. Le potentiel des dépenses publiques pour stimuler la croissance économique par la création d'emplois et l’amélioration des niveaux de vie ne peut pas être surestimée.

Le Ghana a dépassé son objectif de croissance du PIB per capita de  USD 624,36 pour 2008 et a réussi à atteindre USD 712,25[4]. Cependant, l’inflation est passé de 14,8 % en 2005 à 18,1 % en 2008, pourcentage très supérieur au 10 % prévu pour 2008.

L’instabilité économique entrave la consolidation des avancées du développement économique et les pauvres, comme d’habitude, sont les plus affectés par l’augmentation des coûts de la vie. Le Gouvernement, qui allouait des ressources à la réduction de la pauvreté, est allé vers une politique de restriction des dépenses dans plusieurs programmes sociaux. La croissance du PIB est passée de 7,3 % en 2008 à 4,7 % en 2009. Les projections pour 2010 prévoient une décroissance de l’inflation jusqu’à l’intersection de la tendance de croissance du PIB en 2011, ce qui offrira une stabilité macroéconomique et aidera à consolider les réalisations en matière de croissance économique.

Le Gouvernement prévoit la croissance soutenue de ses revenus, passant de USD 5,28 milliards en 2009 à USD 9,3 milliards en 2012, bien que ses estimations soient généralement très optimistes. L’augmentation proviendra des subventions habituelles des donateurs et des revenus du pétrole et du gaz, avec une légère augmentation entre 2011 y 2012. Le rapport budgétaire pour 2010 stipulait la restructuration progressive du régime des impôts, fondamentale pour les plus pauvres qui sont les plus touchés par les impôts indirects.

L’investissement direct étranger

L’Investissement direct étranger (IDE) est devenu une source importante de capital étranger privée et a contribué à développer les ressources humaines. Les flux nets ont augmenté de USD 970 millions en 2007 à USD 2,1 milliards en 2008[5]. Durant le troisième trimestre 2009 il a augmenté de 262 % par rapport au trimestre précédent, ce qui pourrait créer quelque 12 000 postes de travail[6]. L’IDE a envahi tous les secteurs : le secteur minier, la construction et depuis quelques années, l’agriculture sont les secteurs qui ont reçu  les montant les plus importants. L’IDE a créé des emplois, mais son approche commerciale, ses exonérations d’impôts trop généreuses, ses clauses de stabilité et sa dégradation de l’environnement diminuent les bénéfices, particulièrement des plus vulnérables économiquement. Jusque récemment, les compagnies minières payaient un taux de 3 % au titre de droits, taux très inférieur à celui de 10 % pratiqué au niveau international. Les clauses de stabilité ne permettent pas la rentabilité équitable des ressources exploitées. Il est fondamental d’établir des prix justes pour le capital naturel et environnemental.

Les investisseurs sont les plus avantagés par l’IDE. Les analyses comparatives de la période 1960-1990 indiquent que les taux de croissance au sein des pays à faibles ressources ont été de deux à trois fois plus importantes que dans les pays ayant des ressources en abondance[7]. Près de la moitié des 48 pays analysés sont situés dans le tiers inférieur de l’IDH de 2002. Le pétrole a représenté plus de 30 % de leurs exportations entre 1965 et 1995[8].

Les campagnes de mobilisation de la société civile ghanéenne se centrent sur l’adoption de l’Initiative pour la transparence des industries de l’extraction (sigle en anglais, EITI), surtout pour le pétrole et le gaz, et la Loi sur le droit à l’accès à l’information (DAI). Ces deux propositions pourraient améliorer le contrôle du financement pour le développement et veiller sur les pratiques commerciales adéquates et le respect des droits économiques, sociaux et culturels.

L’investissement dans le secteur de la santé

La santé a été principalement financée par des fonds publics, par les cotisations des usagers, les fonds des donateurs et le Plan national de l’assurance santé (sigle en anglais, NHIS). En 2008, le rapport sur la santé a causé une sérieuse préoccupation car les dépenses ont atteint un peu moins que l´objectif de 15 % de la  dépense du Gouvernement convenu lors du Sommet Africain sur le VIH en 2001[9].

Le pays n’a que 1.439 établissements de soins de santé et 1.500 médecins, pour une population de 22 millions d’habitants. La mortalité maternelle continue à augmenter. Les indicateurs de santé reproductive se sont légèrement améliorés ou ont empiré durant les 20 dernières années. Seulement 35 % des accouchements sont assistés par du personnel spécialisé ; 65 % des femmes accouchent chez elles ou cherchent une aide traditionnelle. La mortalité infantile a diminué très légèrement de 64/1 000 nés vivants en 2003 à 50/1 000 nés vivants en 2008[10] alors que la mortalité maternelle a augmenté de 214/100 000 nés vivants en 2003 à 580/100 000 en 2008[11]. Les accouchements en zones urbaines se produisent à 84 % dans des établissements médicaux alors que c’est le cas pour seulement 43 % dans les zones rurales. Dans les régions du nord, le taux de mortalité des femmes enceintes est de 700 pour 100 000 enfants nés vivants. Il est donc chimérique de prétendre que le Ghana puisse réaliser l’OMD 5. Parallèlement, la mortalité infantile se maintient élevée : 120 morts pour 1 000 naissances[12]. D’un autre côté, l’utilisation de méthodes contraceptives modernes est en train de décroître : de 19 % en 2003 à 17 % en 2008[13], ce qui pourrait produire une augmentation des naissances non désirées et des avortements dans de mauvaises conditions, surtout parmi les jeunes femmes.

 Bien que le financement du secteur de la santé ait augmenté de façon graduelle à travers les années, le pourcentage attribué à la délivrance réelle de soin continue à être faible. Environ 90 % est alloué aux salaires et depuis 2006 le montant attribué aux immobilisations a diminué.

Le financement de l’éducation

En 2009, le Gouvernement a révisé le Plan stratégique pour l’éducation 2003-2015 (sigle en anglais, ESP) en réponse à de nouvelles opportunités et de nouveaux enjeux, ainsi qu’à des accords nationaux, régionaux et mondiaux – y compris la Loi sur l’Éducation 2008 (Loi 778), Éducation pour tous (EPT), les Évaluations annuelles du rendement du secteur éducatif (sigle en anglais, ESAPR) et les OMD. Les principes que régissent le nouveau ESP (2010-2020) incluent l’élimination des disparités, celles de genre entre autres, et un système éducatif plus efficient[14].

Des progrès ont été réalisés : en 2007/2008, le Taux brut de scolarisation (TBS) dans l’enseignement primaire a atteint 95,2 %, le taux d’achèvement du cycle primaire a atteint 88 % et la parité de genre a été de 0,96. Le Gouvernement considère que pour 2015 tous les objectifs de l’ESP seront atteints, malgré le fait que ces dernières années les progrès aient ralenti. Par exemple, en dépit d’une augmentation de 8 % du TBS dans l’enseignement primaire entre 2004 et 2008, parvenir à atteindre pour 2012 la Scolarisation primaire universelle (SPU), l’objectif de l’ESP, implique une amélioration annuelle de 3 %, ce qui ne s’est pas produit.

Les progrès en ce qui concerne les objectifs pour les filles ont été particulièrement lents. La parité de genre s’aggrave au fur et à mesure que le niveau augmente. Seulement  32 % des filles sont scolarisées dans l’enseignement secondaire[15]. En 2008, 80 % des garçons ont achevé le cycle primaire contre seulement  76 % de filles. Les facteurs qui déterminent les taux élevés d’abandons chez les filles sont divers, entre autres, le manque d’installations sanitaires appropriées dans 52 % des écoles primaires[16].

Les dépenses en éducation sont passées de 4,7 % du PIB en 2002 à 10,6 % en 2006. Cependant, elles sont redescendues à 8,4 % en 2009. Plus de 92 % du budget est attribué au paiement des salaires, entraînant une grande perte de financement pour d’autres secteurs tels que l’infrastructure, le matériel didactique et d’apprentissage, la formation pour l’emploi et les installations et les programmes spécifiques pour les groupes négligés (les filles pour la plupart). On estime que cet écart s’élève à plus de USD 500 millions[17].

La réponse du Gouvernement à la crise économique mondiale se base sur la réduction des dépenses. Bien que l’éducation ne constitue pas un objectif direct, l’ESP souhaite promouvoir l’efficience dans le système éducatif à travers la suppression de la « culture de la subvention ». Ces stratégies de réduction des coûts imposeront une charge supplémentaire à la population, surtout la plus pauvre, qui est déjà suffisamment frappée par la crise.

Le changement climatique

Tout comme les autres pays d’Afrique subsaharienne, le Ghana a souffert une croissante instabilité climatique, avec des inondations et des sécheresses continues, ainsi que l’augmentation des températures et la concomitante réduction des pluies dans les zones agroécologiques. L’augmentation du niveau de la mer a érodé la côte de trois mètres par an, surtout dans la zone de Keta. Le changement climatique menace le progrès du développement durable, les moyens de vie et la réduction de la pauvreté, tenant compte de l’importance économique de l’agriculture. 

L’agriculture est le secteur qui contribue le plus au PIB (35,7 %) et qui emploie près de 60 % de la main d’œuvre. Près de 52 % des travailleurs agricoles sont des femmes, qui produisent environ 87 % des cultures vivrières. Elles se trouvent parmi les groupes les plus pauvres et vulnérables,  à cause de leur faible taux d’alphabétisation et des restrictions à l’accès et au contrôle des ressources productives. Elles sont hautement dépendantes de l’écosystème  qui leur fournit les aliments, l’énergie, l’eau et les médicaments.

Depuis 2007, certaines organisations de la société civile (GrassRootsAfrica, CARE, ActionAid Ghana, Abantu for Development, FoodSpan Network, SEND Ghana) ont aidé les femmes en zones rurales et les agriculteurs à travers des projets visant à intégrer les stratégies traditionnelles et les connaissances sur le changement climatique aux plans locaux de développement [18].

Recommandations

Dans le but d’accélérer les progrès pour atteindre les OMD, le Gouvernement devra :

  • Se focaliser sur le renforcement de l’économie locale en mettant l’accent sur les investissements dans le secteur social pour promouvoir le respect des droits des femmes et des enfants.
  • Obtenir une proportion plus élevée de ses revenus de manière interne, mais éviter les impôts retombant sur les personnes à faible revenu ; attribuer un pourcentage des revenus du pétrole à l’éducation.
  • Offrir à l’unité pour l’éducation des filles les ressources humaines et financières nécessaires pour réaliser des campagnes efficaces et élaborer des stratégies intégrales et localisées pour améliorer la rétention, les progrès et l’achèvement des études des filles. 
  • Élaborer des indicateurs de changement climatique qui prennent en compte les disparités de genre dans les secteurs du travail formel et informel, l’apport de soins, la propriété de la terre et l’utilisation de l’énergie.
  • Intégrer le changement climatique à la planification pour le développement, en tenant compte des impacts différenciés selon le genre.
  • Combiner l’adaptation nationale ainsi que les mesures de réponses aux moyens de vie et aux enjeux tels que le VIH/SIDA, la dégradation de la terre, la déforestation et la perte de diversité biologique.

 

Cependant, pour que ces actions soient efficaces, d’autres changements doivent s’effectuer. En ce qui concerne le domaine international, il faut intégrer la perspective de genre à la nouvelle structure financière et économique basée sur l’équilibre entre le système productif et les activités sans but lucratif qui sauvegardent l’environnement. De la même manière, la ronde de négociation de l’OMC doit être plus transparente et démocratique, en tenant compte des traitements spéciaux et différenciés, les moyens de vie des personnes, l’égalité des sexes et la durabilité environnementale. 

Les organisations de la société civile doivent continuer à veiller sur la reddition de comptes par le Gouvernement en ce qui concerne le respect des engagements et la transparence dans l’administration financière. De plus, ils doivent travailler conjointement avec les gouvernements et partager les meilleures pratiques pour garantir l’obtention des objectifs.

[1]Commission nationale pour la planification du développement, Implementation of the Growth and Poverty Reduction Strategy 2006-2009; Annual Progress Report 2008 (La mise en œuvre de la Stratégie de croissance et réduction de la pauvreté 2006-2009 ; rapport de la progression annuelle 2008).

[2] Social protection to tackle child poverty in Ghana, (La protection sociale pour lutter contre la pauvreté des enfants au Ghana), Document informatif, UNICEF, février 2009. Disponible.

[3] Ministère de l’Économie et de la planification, Budget Statement and Economic Policy of the Republic of Ghana, Fiscal Year 2010 (Communiqué sur le Budget et  la politique économique de la République du Ghana, Année fiscale 2010).

[4] Commission nationale pour la planification du développement, GPRS II (2006 – 09 ( Stratégie de croissance et de réduction de la pauvreté – GPRS II, 2006-09). Disponible.

[5] Ibid.

[6] Centre pour la promotion de l’investissement au Ghana, Third Quarter 2009 Investment Report, décembre de 2009. Disponible sur : <www.gipc.org.gh/UploadFiles/Publications/Q3Report2009231209f100202174453.pdf>.

[7]Ministère de l’Économie et de la planification, Oil and Gas Revenue Management International Experience: A Source Book In View of the Broad National Consultation (Expérience internationale sur la gestion du revenu du pétrole et du gaz : un livre source en vue d’une large consultation nationale). GEITI, 2008.

[8] PNUD, Rapport sur le Développement Humain du Ghana, 2002.

[9] Voir : <www.un.org/ga/aids/pdf/abuja_declaration.pdf>.

[10] Enquête démographique et de la santé au Ghana (sigle en anglais, GDHS), 2008.

[11] Enquête sur la santé maternelle 2007, op. cit.

[12] "With six more years to 2015, will MDGs be a dream or reality?" (Encore six ans pour 2015, les OMD seront –ils un rêve ou une réalité ?), Public Agenda, 18 décembre 2009.

[13] GDHS 2003/2008.

[14] Plan Stratégique pour l’Éducation 2010-20 – Vol. 1, Policies Targets and Strategies.

[15] Overcoming Inequalities: why governance matters, (Éliminer les inégalités : l’importance de la gouvernance), EFA Global Monitoring Report, 2009.

[16] Coalition de la Campagne en faveur de l’Éducation nationale du Ghana (sigle en anglais, GNECC), The impact of rural urban divide on quality basic education in Ghana, (L'impact de la fracture urbaine-rurale sur la qualité de l'éducation de base au Ghana), 2009.

[17] GNECC, Ghana Education Financing Brief, (Dossier sur le financement de l’Éducation au Ghana), Octobre 2009.

[18] Rudolf S. Kuuzegh, Ghana’s Experience at Integrating Climate Change Adaptation into National Planning, (L'expérience du Ghana à intégrer l'adaptation au changement climatique dans la planification nationale), 12 novembre 2007.