PORTUGAL

Une crise ancienne et de nouveaux défis

Social Watch Portugal; Oikos
Catarina Cordas
João José Fernandes

La crise économique que le Portugal doit affronter depuis au moins 2001, aggravée par la crise financière et économique internationale actuelle, a eu comme conséquence une hausse du chômage et de la pauvreté. Cependant la pauvreté n’est pas seulement un effet de la situation actuelle, elle répond plutôt à une condition structurelle qui se maintient. Presque la moitié de la population, y compris les personnes de classe moyenne qui ont perdu leur emploi et/ou leur logement, a souffert de la pauvreté entre 1995 et 2000. Le changement climatique a aussi un effet sur l’économie et le bien-être de la population. De nouvelles optiques et de nouvelles mesures sont nécessaires pour combattre la pauvreté et pour faire face aux défis environnementaux.

*

D’après le Bulletin Financier du Printemps 2009 de la Banque du Portugal1, l’économie a commencé à décélérer sensiblement au début 2008 et puis, à partir du deuxième trimestre, elle est entrée dans la période de récession la plus profonde des dernières décennies. Le Bulletin établit que l’économie subira une baisse de 3,5 % en 2009, sa pire performance depuis 1975. Cette réduction montre que la faible productivité a eu un effet sur le taux de chômage qui s’est approché de 8 % en janvier 2009, par rapport au 7,7 % de janvier 2008. Fin février 2009 presque 500.000 chômeurs (5 % de la population) s’étaient enregistrés dans les bureaux d’emploi.

Le crédit, le logement et le risque de pauvreté

Le manque d’accès au crédit est une autre conséquence assez négative de la crise économique internationale. Bien qu’il n’y ait pas de données officielles à ce sujet, en 2008 beaucoup de familles ont perdu leurs logements à cause de l’impossibilité de payer les remboursements des prêts. D’après l’Enquête sur les Revenus et les Conditions de Vie 2007 de l’Union Européenne (UE-SILC en anglais), les composantes non monétaires du revenu, telles que la propriété du logement, atténuent l’incidence et l’intensité de la pauvreté2. La perte du logement – ou les difficultés croissantes pour son acquisition que rencontrent les classes moyenne et basse – et la perte de l’emploi ont augmenté le risque de pauvreté, définie par l’UE-SILC comme la proportion d’habitants adultes touchant des revenus annuels inférieurs à 4.544 euros (environ 379 euros par mois) en 2006.

D’après l’UE-SILC, le risque de pauvreté pour le chômeur portugais était de 32 % en 2006, légèrement plus élevé qu’en 2005 (31 %). Cette augmentation était prévisible à cause de la hausse du chômage. Cependant, en général, le risque de pauvreté a diminué jusqu’à atteindre 18 %, une diminution de 5 % approximativement à partir de 1994, alors qu’il était de 23 %. L’amélioration est la conséquence positive des programmes européens de lutte contre la pauvreté mis en œuvre à partir de 1989 et du Plan d’Action National pour l’Inclusion 2003-20053, qui contenait certains principes directeurs très positifs:

  • une approche multidimensionnelle et multidisciplinaire de la pauvreté et des privations;
  • un accent sur les alliances entre acteurs publics et privés;
  • la participation de toutes les parties intéressées, surtout les pauvres;
  • le renforcement du pouvoir des pauvres et
  • l’application de politiques et d’actions de sensibilisation dans chaque politique sectorielle et éviter que la lutte contre la pauvreté se réduise à un programme périphérique.

L’UE-SILC a montré que 47 % des familles avait souffert de la pauvreté entre 1995 et 2000, dont 72 % étaient restées deux ans ou plus dans la pauvreté4. Beaucoup de ces familles sont les nouveaux pauvres, hommes et femmes qui appartenaient à la classe moyenne mais qui se sont appauvris à cause d’une crise familiale, comme le chômage ou l’augmentation du taux d’intérêt des prêts pour le logement ou des hypothèques. Au début 2009, les ONG ont mis en relief certaines histoires dramatiques de personnes qui avaient souffert un changement radical dans leur vie et qui sont devenues dépendantes de l’aide de tierces personnes. Le président du Réseau Européen contre la Pauvreté a affirmé que, sur les deux millions de pauvres du Portugal, 17 % a actuellement du travail mais celui-ci ne permet pas de couvrir les besoins quotidiens5. La pauvreté augmente dans les grandes villes et récemment les tentatives de suicide ont aussi augmenté.

Traitement de la pauvreté

Ces conclusions suggèrent que le problème est pas ce que nous faisons mais ce qu’il reste à faire »6. Un transfert d’environ 3,5 % du revenu de ceux qui ne sont pas pauvres serait suffisant pour couvrir les besoins de ceux qui le sont7.

La pauvreté au Portugal – comme ailleurs – ne se résoudra pas seulement avec des politiques sociales, bien que celles-ci soient importantes. Il est nécessaire que les politiques économiques s’occupent de la distribution inégale du revenu, des biens et du pouvoir. De plus en plus, les économistes et les organisations de la société civile signalent que l’inégalité sur le plan des actifs conduit à l’inefficacité économique et qu’il devrait y avoir plus d’investissement dans le capital humain (capacités, éducation, santé, instruction), ce qui favoriserait la promotion des droits de l’homme. Seulement de cette manière le Portugal sera capable de surmonter les faiblesses qui pendant longtemps ont entravé sa productivité et l’ont condamné à avoir l’un des taux de croissance économique les plus faibles d’Europe.

Les trois recommandations clés pour lutter contre la pauvreté sont:

  • La protection de la population la plus vulnérable contre la pauvreté lors des définitions des politiques sociales.
  • L’intégration de politiques économiques dans la lutte contre la pauvreté, principalement par le biais de possibilités d’emploi et de l’institutionnalisation du crédit bancaire, spécialement en ce qui concerne le logement.
  • L’utilisation de critères pour garantir que le budget général de l’État (BGE) soit favorable à la cohésion sociale. Certaines organisations, comme Oikos, ont suggéré la création d’un groupe pour surveiller le BGE, dans le cadre de l’Assemblée de la République. Ce groupe devrait être composé par des représentants de la société civile, des académiciens et des parlementaires et devrait employer les critères suivants: sensibilisation en ce qui concerne les questions de genre, droits de l’enfant, droits des personnes âgées, promotion du capital humain et cohérence territoriale.

Les effets du changement climatique

Une étude complète sur les effets du changement climatique au Portugal, le SIAM II8, suggère que les effets plus importants du réchauffement mondial sont l’érosion significative du littoral, avec une hausse de la fréquence des événements météorologiques extrêmes (comme la sécheresse prolongée et les inondations soudaines), la réduction des précipitations (entre 30 % et 40 %) et l’augmentation des températures moyennes annuelles. Sans être catastrophiques, les conséquences du changement climatique dans le pays produiront des pertes de l’ordre de 5 % à 10 % du PIB. Il existe des effets potentiels sur les ressources aquifères, le littoral, l’industrie de la pêche, l’agriculture, les forêts, la biodiversité l’énergie, la santé humaine et sur d’importants secteurs de l’économie nationale comme le tourisme.

Il est de plus en plus évident, puisque le changement climatique mondial est inévitable, que les politiques d'atténuation et d’adaptation doivent se renforcer. En ce qui concerne l’atténuation, il est nécessaire de réduire les émissions de dioxyde de carbone, d’améliorer l’efficacité énergétique, d’insister sur la réutilisation et le recyclage des produits, d’examiner toute la politique de transport et de mobilité, et également de se concentrer sur la production d’énergie propre et renouvelable. Le pays devrait aussi développer des mécanismes pour utiliser une bonne partie des moyens fournis par les projets du Fonds du Charbon portugais afin d’obtenir un double avantage: la compensation des émission de charbon/efficacité énergétique et la lutte contre la pauvreté, particulièrement dans les pays en développement.

En ce qui concerne l’adaptation, il est important, entre autres, de faire des investissements dans la protection du littoral et les ressources aquifères, dans des cultures plus résistantes au changement climatique et pour une meilleure efficacité énergétique dans les bâtiments publics et résidentiels.

1 Voir : <www.bportugal.pt/publish/bolecon/primavera_09/econ_port_primavera09_p.pdf>.

2 Institut National de Statistique (INS). “Dia Internacional de Erradicacao da Pobreza.” Destaque, 15 octobre 2007. Disponible sur : <www.ine.pt/ngt_server/attachfileu.jsp?look_parentBoui=8046108&att_display=n&att_download=y>.

3 Voir : <www.pnai.pt/>.

4 Costa, A., Baptista, I., Perista P. et Carrilho, P. (2008). Um olhar sobre a pobreza – vulnerabilidades e exclusão social no Portugal contemporâneo. Lisboa: Gradiva.

5 Voir Rede Europeia Anti Pobreza sur : <www.reapn.org/>.

6 Costa, A., Baptista, I., Perista P. et Carrilho, P., op. cit.

7 Ibid.

8 Santos, F. D. et Miranda, P. Alterações Climáticas em Portugal. Lisboa: Gradiva, 2006.