BANGLADESH

Davantage de pauvreté, de vulnérabilité et d’insécurité alimentaire

Unnayan Shamannay
Taifur Rahman
Arifur Rahman

La pauvreté, la vulnérabilité et l’insécurité alimentaire se sont accrues au Bangladesh. La cherté des grains et l’inflation élevée ont encore mené à la pauvreté 1,2 millions de personnes. Les catastrophes naturelles sont plus fréquentes et plus sévères qu’auparavant. Deux inondations consécutives et le cyclone Sidr, ainsi que les prix des aliments dans le monde ont entraîné des problèmes d’approvisionnement alimentaire. Les plus démunis et les ménages gérés par des femmes sont les plus frappés par la hausse des prix des produits de base.

Depuis son indépendance en 1971 le Bangladesh a mené une stratégie de développement qui s’est concentrée sur l’intérieur du pays, avec un interventionnisme excessif de l’état dans chaque secteur de l’activité économique. Comme il existait une vision de l’agriculture de type socialiste, un système de coopératives agricoles s’est développé avec un gouvernement contrôlant l’obtention et la distribution des semences, des pesticides et de toute sorte d’équipement agricole. Diverses mesures ont été prises telles que des restrictions sur les quantités, des taux très différenciés de tarifs, (de 0 % à 400 %) avec des subventions très importantes et dans le même temps l’instauration d’un taux de change surévalué, afin de protéger les fermes familiales de la concurrence. Des interventions politiques sur le marché intérieur sous la forme de limitations au crédit, accord arbitraire de licences et contrôle des prix ont renforcé cet environnement de restriction.

Ces politiques n’ont donné lieu ni à une augmentation durable de la production, ni à une production efficace ; bien au contraire au cours des années l’écart entre la demande et l’approvisionnement des produits agricoles s’est agrandi. A la recherche d’une issue pour la crise des années 1980 ce  pays a pris un virage politique : il s’est éloigné du  dirigisme étatique et a appliqué des mesures plutôt guidées par le marché, qui se sont traduites en politiques sectorielles de soutien à la libéralisation macroéconomique. Les mesures de réforme adoptées ont inclus la rationalisation des tarifs, la libéralisation de l’investissement  pour l’irrigation, la privatisation du commerce des engrais, les importations de machines agricoles, la distribution des semences et les systèmes de distribution des aliments, ainsi que la gestion des systèmes de recherche et d’extension agricoles. D’autre part les réformes de l’agriculture ont conduit à une diminution du rôle de l’état, qui s’est fait sentir au moment de la distribution des biens, de la réduction des subventions, de  la libéralisation des marchés par un système d’incitations de prix des cultivateurs, de l’élimination et de la réduction progressive du système public de distribution des grains, de la stabilisation des prix moyennant des politiques d’achat à travers des appels d’offres ouverts et de la libéralisation des importations des grains de par le secteur privé.

Les efforts de libéralisation ne se sont pas limités à l’agriculture. Toute l’économie s’est engagée dans une libéralisation intégrale, en particulier après le début des années 90, représentant l’un des processus d’ouverture les plus rapides du monde. Même si certains se plaignent de cette trop grande rapidité , la Banque Mondiale a remarqué : « Bien que la libéralisation commerciale au Bangladesh se soit passée  soudainement, il y a eu des cas d’engagements plus intenses et plus décisifs vers la libéralisation commerciale dans le reste du monde. Le Bangladesh est donc en retard pour la plupart des mesures d’ouverture commerciale. Même après avoir réduit la protection nominale dans le budget de l’année fiscale 2007, le Bangladesh a le niveau le plus élevé de protection commerciale dans la région qui est, à la fois, la plus restrictive du monde entier au niveau commercial »1.

Malgré la croissante pression  pour en arriver à une plus grande  libéralisation, il faut également évaluer les résultats des mesures déjà prises dans ce sens. Le peuple a-t-il bénéficié du processus de libéralisation ou  les seuls bénéficiaires ont-ils été quelques gigantesques multinationales en croissance ? L’une des principales conséquences de ces réformes intégrales a été le renforcement de la dépendance des importations, y compris celle des produits agricoles. Par conséquent, bien qu’il s’agisse d’un pays agricole, le Bangladesh a peu à peu perdu le contrôle des prix de beaucoup de produits de base dont  les gens ont chaque jour besoin.

L’impact des crises globales

Le diagramme suivant montre l’impact provoqué par les crises mondiales interdépendantes  – changement climatique, prix des matières premières et crises économiques et financières – sur la pauvreté et l’insécurité alimentaire au Bangladesh.  

Le changement climatique. Le Bangladesh est en tête sur la liste des pays les plus frappés par les changements climatiques. L’un des plus fréquents auquel le pays doit faire face est la plus grande fréquence et intensité des catastrophes naturelles. Le cyclone Sidr, qui a atteint la côte du Bangladesh en 2007, a été l’une des catastrophes les plus dévastatrices de l’histoire du pays. Il a provoqué une perte énorme en ressources  naturelles, et le plus important a été son incidence sur l’une des pénuries d’aliments les plus graves depuis la famine de 1974. Ceci a eu lieu simultanément avec la hausse des prix des aliments et des matières premières dans le monde et une pénurie  d’approvisionnement des aliments sans antécédents dans le monde entier.

Le cyclone Sidr et son impact sur la sécurité alimentaire ne sont qu’un exemple des nombreux problèmes auxquels le pays doit faire face en raison du changement climatique. Les changements des patrons climatiques et des températures de chaque saison ont un impact négatif sur la production agricole et sur les coûts de la production2. D’une part le Bangladesh lutte pour produire les aliments nécessaires, et d’autre part les prix des aliments sont toujours trop élevés en raison de l’augmentation des coûts de la production.

Le changement climatique atteint particulièrement des secteurs pauvres qui à l’heure actuelle sont considérés aussi « les zones chaudes du changement climatique ». Les pauvres et les indigents habitant ces zones écologiquement vulnérables font face à une réalité de plus en plus difficile, en raison des patrons climatiques changeants. Par exemple, dans la région nord-ouest du pays la gravité de l’érosion des sols causée par le flux des fleuves a considérablement augmenté, rendant encore plus vulnérable à la pauvreté et à la faim les habitants démunis de la région. De même, dans les bassins versants du nord-ouest, les patrons climatiques d’avancée et de recul de l’eau ont changé et ils ont un impact négatif sur la production des aliments et l’agriculture.

Les  prix des aliments.  En dehors de la perte massive de la production nationale en 2007 et 2008  à la suite de deux inondations dévastatrices et du cyclone Sidr, un autre facteur d’incidence sur le prix des aliments a été la hausse mondiale des prix des aliments et des matières premières. Le taux d’inflation des aliments pour les pauvres a été bien plus élevé, puisqu’il a dépassé 20 %  fin 2007. La grille numéro 1 présente les taux officiels de l’inflation des aliments, y compris le taux total et le taux estimé pour le panier de la ménagère au niveau du seuil de pauvreté. Il est important de mentionner que malgré d’abondantes récoltes en 2008 et  2009  qui ont augmenté l’approvisionnement en aliments, et que  grâce au contrôle minutieux du gouvernement leurs prix soient considérablement descendus, notamment ceux du riz et de l’huile, la grosse difficulté reste toujours leur distribution. Le problème de l’insécurité alimentaire des ménages les plus pauvres, spécialement dans les zones écologiquement vulnérables, n’a pas été résolu. Les coûts élevés de la production ont d’ailleurs  réduit la marge de bénéfice des cultivateurs. Une étude faite par le groupe d’experts appartenant au Centre pour le Dialogue Politique (CDP) qui siège à Dhâkâ signale que 48,5 % de la population manque d’argent pour acheter des produits alimentaires de base tel que le riz, comparé à  40 % en 20053. Le rapport du CDP remarque que « en conséquence  des prix élevés des grains et du haut niveau de l’inflation générale, quelque 12,1 millions de personnes (8,5 % de la population totale) ont franchi le seuil de pauvreté entre les mois de janvier 2005 et mars 2008 ».

L’inflation.  Depuis fin 2007 le taux d’inflation, qui avait été pratiquement inexistant pendant la décennie précédente, est parvenu à deux chiffres et a atteint 11,21 % en novembre, d’après le Bureau des Statistiques du Bangladesh. L’inflation est retombée de manière disproportionnée sur les secteurs  les plus pauvres de la société. Des études montrent que les ménages les plus démunis et ceux dirigés par des femmes ont été les plus frappés par la hausse des prix des biens essentiels4.

L’augmentation probable de l’extrême pauvreté, de la vulnérabilité et de l’insécurité alimentaire est le résultat concret de tout ce qui vient d’être présenté ci-dessus. On craint que le taux de l’extrême pauvreté puisse avoir augmenté en termes réels, aggravé  par la permanente insécurité alimentaire, surtout dans les zones de pauvreté et vulnérabilité extrêmes.

 

1 Banque Mondiale. Bangladesh: Strategy for Sustained Growth. Bangladesh Development Series, 2007.

2 Parlement Européen (2008). “ Climate Change impacts and Responses in Bangladesh ”. Voir : <www.europarl.europa.eu/activities/committees/studies/download.do?file=19195>.

3 Voir : <www.idsa.in/publications/stratcomments/AnandKumar300708.htm>.

4 UNICEF (2009). “A Matter of Magnitude. The Impact of the Economic Crisis on Women and Children in South Asia”.  Voir <www.unicef.org/rosa/Complete_Matter_of_Magnitude.pdf>.