Bénin: réflexions de la société civile sur la révision constitutionnelle

Source: La Presse du jour

L’Alliance pour refonder la gouvernance en Afrique (Arga) au Bénin a organisé hier jeudi 20 mai 2010, en collaboration avec le réseau Social watch, un atelier de réflexion sur la révision de la constitution béninoise. Cette rencontre vise à recueillir les apports  des acteurs de la société béninoise afin de contribuer au processus en cours.

Par décret 2009-548 du 3 novembre 2009, le gouvernement a saisi le parlement en vue de la révision de la constitution du 11 décembre 1990. Cette démarche fait suite à une consultation d’un groupe d’experts qui a réfléchi sur les améliorations qu’il fallait apporter à la Constitution. Mais le débat national que devait engager le gouvernement pour recueillir les apports du peuple avant d’envoyer le texte au Parlement n’a pas eu lieu. 

C’est donc pour libérer la parole et permettre aux membres de l’alliance et autres participants de contribuer à la réflexion nationale que l’alliance a organisé ledit atelier. Il permettra, selon la médiatrice nationale adjointe de l’alliance, Mme Nadège Badet, de recueillir suffisamment de paroles des acteurs, de cerner les principaux nœuds qui constituent les risques de remise en cause des dispositions constitutionnelles, et de formuler des recommandations  pour la réforme de la Constitution. 

L’Alliance s’assigne ainsi la mission de créer le cadre de concertation pour de fructueuses contributions de la société civile à la modification de la loi fondamentale de 1990. Pour la coordinatrice nationale de Social Watch, Mme Huguette Akplogan Dossa, l’atelier est une des nombreuses activités prévues auxquelles  participe son réseau pour veiller à la bonne application de la démocratie à travers des débats et propositions d’amendements au profit de la révision de la Constitution. 

Elle a saisi l’occasion pour féliciter l’Ambassade des Pays-Bas dont l’appui financier a été nécessaire pour la réussite de l’atelier. Au nom de l’Ambassade, M. Francis  Lalèyè  a salué l’initiative qui est pertinente à voir le rôle de la constitution pour la gouvernance. Il a invité les participants à de sérieuses réflexions pour que l’atelier puisse apporter une valeur ajoutée au processus de révision de la constitution. La société civile a le devoir de ne pas caresser les choses, mais de réfléchir réellement  pour dire ce qui est et même anticiper sur d’autres réalités auxquelles ne font pas attention les hommes politiques. Le défi de l’Alliance devrait être, selon lui, de rendre l’initiative utile.

Réflexions de taille

D’éminents communi-cateurs ont permis aux participants à l’atelier d’explorer plusieurs pistes de réflexions. C’est d’abord le professeur Joël Aïvo qui a introduit les échanges en présentant la Constitution qui vingt années durant a survécu à toutes les péripéties et tentatives de sa révision. Et s’il a été possible de faire de la Constitution béninoise celle de tous les records au Bénin, il faut rendre hommage au Professeur Maurice Ahanhanzo Glèlè et ses collègues qui l’ont rédigée. Il faut aussi saluer l’activisme de la Cour Constitutionnelle qui a permis de régler assez de difficultés sans qu’on ait besoin de réviser la Constitution. 

Seulement M. Aïvo a fait observer qu’il sera difficile de réviser la constitution avant 2011 parce qu’il ne sera pas difficile d’obtenir la majorité de 3/4. Ensuite, la Cour a compliqué les choses à travers sa décision du 8 juillet 2006 qui précise qu’il ne suffit pas d’avoir les ¾, mais qu’il faut un consensus des acteurs, une notion dont on cerne mal les contours. 

La troisième raison est la difficulté financière pour organiser le référendum proposé par le gouvernement dans son décret de saisine du parlement sur la révision. Le Bénin est face à la réalisation de la Lépi qui n’avance que grâce à l’appui des bailleurs. Dans le même temps il y a deux élections à organiser en 2011.  Avec le Politologue Mathias Hounkpè, les participants ont discuté de l’analyse des initiatives et propositions sur la révision de la Constitution. Il a permis de voir tout un cheminement et une procédure pour montrer que rien n’est encore joué puisque les députés peuvent reprendre à zéro le travail sur le projet du gouvernement. M Gilles Badet a fait une analyse critique du projet envoyé par le gouvernement au Parlement. Le document modifie 27 articles et sept titres et créé la Cour des compte et la Cena de 17 membres comme institution constitutionnelle. Sa réflexion a permis de constater la volonté de rendre imprescriptibles, entre autres, les crimes économiques et de faire rétroagir la loi pour punir les anciens crimes économiques.

C’est le psychopédagogue Jean Claude Hounmènou qui a clôturé les communications avant les travaux en groupe. Il a exposé sa vision de voir la constitution révisée pour un système de gouvernance démocratique, inclusive et représentative.

Les différentes réflexions seront synthétisées pour constituer une base de plaidoyers et de lobbying en direction des autorités.

* Guy Constant Ehoumi