Pour sauver la Terre il faut changer les modèles de consommation

Une multitude dans un centre
commercial en Pennsylvanie,
aux États-Unis.
(Foto: David Fulmer/Flickr/CC)

La consommation insoutenable des secteurs sociaux et des pays les plus riches, en plus d’alimenter les indicateurs de production et de commerce, au moyen desquels est mesurée usuellement la prospérité, favorise la prédation des ressources naturelles et la détérioration de l’environnement et n’aide pas à réduire la pauvreté. Le Rapport de Social Watch 2012 approfondit la compréhension de ce phénomène et analyse des propositions pour y mettre des limites concrètes en juin, mois auquel se tiendra la Conférence des Nations Unies sur le Développement durable à Rio de Janeiro (Rio2012).

Les propositions visent une transition vers un modèle durable de production et de consommation, en établissant des contrôles et des sanctions pour ceux qui sont insoutenables : d’une part, au moyen d’impôts tendant à décourager le gaspillage et de la suppression des subventions aux activités environnementales nuisibles ou qui renforcent ou bien qui favorisent les inéquités. D’autre part, au moyen de subventions aux industries locales, à la consommation des foyers pauvres et aux technologies « environnementales amiables » en matière d’énergie, de transport, de logement et d’infrastructure sociale.

Tous les chapitres du Rapport coïncident sur le fait que cette nouvelle perspective, surtout en temps de crise, ne peut pas aller contre la stabilité du marché des produits de base, essentielle pour le Sud en voie de développement, et ne peut pas non plus aller contre la récupération du marché du travail et le travail décent dans les pays pauvres. 

Il faut, à ce titre, « une compréhension plus large du développement durable, qui inclue une révision des tendances générales de production et de consommation actuelles », et que des « principes tels que l’équité, la justice et les responsabilités communes mais différenciées soient priorisés », résume, dans un chapitre du Rapport, le Réseau arabe d’organisations non gouvernementales pour le développement (ANND). « Il faudra réorienter les investissements, le commerce et les politiques financières afin que ceux-ci puissent étayer ces objectifs, en plus de profiter de la coopération régionale dans ces domaines pour augmenter la production et la demande aux niveaux nationaux et régionaux ».

Il y a 20 ans, les chefs d’État et de gouvernement ont déclaré dans le Sommet de la Terre, célébré à Rio de Janeiro, que « les causes principales pour lesquelles la détérioration de l’environnement se poursuit sont les modèles insoutenables de consommation et de production, en particulier dans les pays industrialisés […] qui aggravent la pauvreté et les disparités». « Cela est vrai  aussi bien de nos jours qu’en 1992 », observe Roberto Bissio, coordinateur international de Social Watch, dans le résumé de son prologue pour le Rapport.  

Dans le Sommet de la Terre de 1992, les pays industrialisés ont promis de « prendre les devants face à l’effort pour s’éloigner des modèles de consommation insoutenables », mais « ceux-ci ont très peu changé et, en revanche, se sont étendus aux pays en développement, où les riches adoptent des styles de vie similaires et la pauvreté est difficile d’éradiquer »,  observe, dans un autre chapitre du Rapport, Chee Yoke Ling, de la Third World Network.

« À mesure que les inégalités liées aux revenus augmentent dans tous les pays, la consommation excessive et insoutenable est au cœur des options de production (avec des conséquences sur l’utilisation de ressources naturelles et sur l’assignation de ressources financières), alors que les pauvres et les marginaux ne peuvent pas avoir accès à une vie digne », indique l’étude effectuée par de Chee Yoke Ling.  

Le développement économique de l’Europe, par exemple, « s’est nourri de manière croissante de la consommation et de l’épuisement des ressources naturelles, ce qui génère de la richesse pour la région mais qui entraîne aussi une dégradation de l’environnement intérieure et extérieure. Une grande partie de ce développement est basée sur l’acquisition de ressources dans des pays tiers » « à son propre bénéfice », avertissent Mirjam van Reisen, de l’Université de Tilburg, Simon Stocker et Georgina Carr, tous les deux d’Eurostep, dans un chapitre du Rapport de Social Watch.         

Le travail effectué par Eurostep observe également que « les pays les plus riches ont exploité de manière disproportionnée les ressources naturelles non renouvelables de la planète », ce qui impose « une transformation radicale et urgente de la perspective de la croissance et de la stabilité économique, ainsi que des modèles de production et de consommation. »

Sans revenus élevés mais propres et vertueux

Dans le Sud en voie de développement, la conséquence a été un « saccage » qui « continue de nos jours » et qui entraîne des « problèmes tels que le changement climatique, la dégradation des sols et la pénurie d’eau, lesquels constituent des menaces pour la biodiversité, la souveraineté et la sécurité alimentaires, les moyens de vie de diverses communautés dans le monde entier et le droit général au développement », selon indique le chapitre sur le monde arabe réalisé par l’ANND.

« Peu de choses ont été faites » pour réduire les excès relatifs à la consommation et à la production « qui polluent et sapent la biodiversité et induisent le changement climatique » et qui conduisent la Terre à « une catastrophe sociale et écologique », coïncide la déclaration préliminaire préparatoire pour Rio 2012, du groupe de réflexion de la société civile sur les perspectives de développement global, inclue dans le Rapport de Social Watch.   

Même si la consommation insoutenable est liée au gaspillage d’énergie, l’étude de l’Index de Capacités Basiques  (ICB) de Social Watch montre qu’alors que 13% de la population de la planète produit 50% des émissions de dioxyde de carbone, 45 pays regroupant 1.200 millions d’habitants ont eu une efficacité sociale « meilleure que la moyenne mondiale et avec des émissions inférieures » aussi à la moyenne mondiale.

Aucun d’eux « n’est classé en tant que pays « à haut revenu », observe Bissio dans le prologue du Rapport. « Nonobstant, les membres de ce groupe des ‘propres et vertueux’ ne reçoivent ni reconnaissance ni compensation pour cette réussite. Bien au contraire, pareillement aux autres pays à revenu intermédiaire et à ceux considérés ‘moins développés’, il arrive souvent que l’espace dans lequel ils peuvent faire des choix politiques au niveau national, en vue d’atteindre un développement durable, se voie corseté par des demandes externes, des conditions et des impositions qui les poussent à prendre des mesures telles que la réduction d’impôts et de la dépense en services sociaux, a-t-il ajouté.

Bissio indique qu’ « il n’y a pas de rapport direct entre de meilleurs indicateurs sociaux de mesure de progrès et les émissions de dioxyde de carbone », car, par exemple, le Costa Rica et l’Uruguay, avec trois tonnes par habitant et par an, « ont réussi à réduire leur taux de mortalité infantile au même niveau qu’un pays qui émet 20 tonnes par an : les États-Unis ». Et, « ayant le même niveau d’émissions que la Norvège, l’Afrique du Sud a des indicateurs sociaux similaires à ceux de l’Indonésie, qui consomme cinq fois moins de combustibles fossiles », a-t-il ajouté.

Les solutions

« Nous avons dépassé les limites écologiques et ignoré les limites planétaires.
À cause de la menace du changement climatique, nous vivons déjà sur du temps emprunté. Les modèles actuels non durables de production et de consommation doivent changer au profit de notre bien-être et de celui de nos descendants », selon le Groupe de réflexion, composé de membres de renom  de Social Watch, de la Fondation Friedrich Ebert, de terre des hommes, de Third World Network, de la Fondation Dag Hammarskjöld, DAWN et du Global Policy Forum.

Parmi les solutions proposées figurent celles de type fiscal, ajoute l’étude. « Tout moyen d’impôt indirect doit être conçu de manière telle qu’il soit sensible au bien-être des pauvres, en introduisant une démarche progressive (par exemple, grever la consommation des produits de luxe) et en mitigeant les éléments régressifs. Redéfinir les priorités de la politique en matière de dépense publique peut devenir un outil puissant afin de réduire les inégalités sociales et éliminer la discrimination et d’appuyer la transition vers des modèles de production et de consommation durables », explique l’étude.

Parmi ces mesures, ce chapitre fait mention de l’ « abolition des subventions nuisibles », comme certaines qui sont destinées aux exportations agricoles, aux investissements internationaux et aux secteurs de l’eau, de l’énergie (par exemple, pour réduire le prix des combustibles), de la sylviculture et de la pêche.

En même temps, les États devraient augmenter les subventions qui sont bénéfiques, qui favorisent « la production et la consommation durables » et la redistribution de la richesse, et qui appuient les «industries locales naissantes et l’introduction de technologies environnementales amiables » dans des domaines tels que « l’énergie renouvelable, les systèmes de transport public durable et accessible, le logement éco-efficace, l’infrastructure sociale et les subventions à la consommation des foyers pauvres ». 

« Le principe de responsabilité mutuelle et la durabilité –spécialement lié à l’environnement et à l’utilisation de la terre, à l’eau, à l’électricité et à d’autres ressources de base- est décisif. Des contrôles et des sanctions applicables en cas d’usage excessif sont nécessaires », coïncide le chapitre du rapport réalisé par Miloon Kothari ancien rapporteur spécial des Nations Unies en matière de logement convenable et Shivani Chaudhry, directeur associé du Réseau de Logement et Droits à la Terre de l'Inde.

Parmi les « contrôles et les sanctions », Kothari et Chaudhry font mention de « l’impôt sur la consommation de certaines ressources essentielles, telles que l’eau et d’autres ressources énergétiques au-delà d’un certain niveau, afin d’établir des niveaux minimaux de consommation pour tous et afin de garantir la sécurité de l’environnement. Ce principe nécessite également d’une gestion responsable et durable des ressources naturelles, y compris l’énergie », concluent-ils. 

Source
Rapport de Social Watch 2012 (en espagnol): http://bit.ly/sEpkxf
Rapport de Social Watch 2012 (en anglais): http://bit.ly/skL4l4