La France: Le problème de l’accès à l’emploi traditionnel

L’épicerie sociale de Garrigues,
structure créée par le Secours
Catholique. (Photo :
L. Charrier/Secours Catholique)

Des fondations créées par de grandes entreprises privées et des structures d’insertion de personnes très éloignées de l’emploi ont cherché ensemble, vendredi 3 février, les moyens de déboucher sur l’emploi traditionnel, après un contrat d’insertion. Ces échanges ont eu lieu à l’occasion de la rencontre « Engagés pour l’insertion », organisée par le Secours Catholique au siège du groupe AG2R La Mondiale.

De grandes entreprises privées veulent s’engager dans l’insertion pour ne pas tourner le dos à une économie qui devrait être « au service de l’homme », selon l’expression reprise par Magali Bernard, secrétaire générale du Centre des jeunes dirigeants. Celle-ci est convaincue que « seule, sans engagement sociétal, la performance économique de l’entreprise ne peut pas assurer sa pérennité ».

Embauche à l’hypermarché

Être en insertion à l’épicerie sociale ambulante de Garrigues, structure de l’économie sociale fondée par le Secours Catholique dans le Var, permet justement de déboucher sur des emplois traditionnels, selon le témoignage de son directeur, Mathieu Galand. Les super ou hypermarchés embauchent des personnes ayant terminé leur contrat à Garrigues, assure Mathieu Galand.

L’informatisation de l’épicerie ambulante, semblable à celle des grands commerces alimentaires, facilite ces embauches, selon un rapport de François Tcherkessoff publié par le Secours Catholique, point focal de Social Watch en France.

Plus de temps d’insertion

Mais l’accès à l’emploi après un contrat d’insertion est souvent handicapé par la durée trop courte de ce contrat, généralement de six mois. Ce laps de temps est insuffisant pour permettre à la personne de reprendre le rythme de la vie professionnelle traditionnelle et d’acquérir en même temps une qualification.
Une expérimentation soutenue par l’État et l’Union européenne dans la région Rhône-Alpes vise précisément à remédier à cette difficulté en prolongeant jusqu’à cinq années le contrat unique d’insertion (CUI). L’expérimentation est en cours et concerne 14 chantiers et ateliers d’insertion et 80 personnes dans la région.

Françoise Bouchaud, de la plateforme Économie et Emploi solidaire du Secours Catholique, est la responsable de ce projet. À travers l’allongement de la durée du CUI et un accompagnement renforcé, elle veut « casser la spirale de l’échec » qui conduit souvent les personnes de contrat d’insertion en contrat d’insertion, dans différentes structures.

Emplois non durables

Mathieu Galand, de Garrigues, observe un phénomène semblable lors du retour à l’emploi traditionnel. Mais « à la sortie de contrats courts de trois à quatre mois, les personnes victimes du "stop and go" de l’emploi peuvent revenir chez nous », annonce-t-il.

Le débouché tant espéré vers l’entreprise privée n’est donc pas forcément durable. Il existe des freins à l’arrivée dans une entreprise de personnes issues de l’insertion. « L’accueil en entreprise doit être préparé avec les salariés, il faut faire tomber les tabous sinon c’est un échec », affirme une intervenante. Le tutorat du nouveau salarié par une personne de l’entreprise apparaît comme une solution, mais « quelle est la réaction d’une équipe dont l’un des membres est "tutoré" ? », demande cette intervenante.

Les fondations comme trait d’union

Chantal Richard, de la CFDT, conseille le dialogue avec les chefs d’entreprise « parce que l’insertion, ça fait encore peur ». Thierry Vandevelde, de la Fondation Veolia Environnement, voit les fondations d’entreprises réduire la « méconnaissance entre structures d’insertion et grandes entreprises ». « Il faut agir auprès des directions des ressources humaines, qui peuvent être porteuses de la bonne parole au sein de leur entreprise », propose pour sa part la fondation du groupe SEB de petit électroménager.

Sur le terrain, Dominique Galissot, directeur de l’Atelier du Viaduc (recyclage de palettes en bois), se pose « en partenaire et non en concurrent des entreprises du secteur », qui du coup embauchent des personnes formées au Viaduc.

Mécénat de compétence

Tissons la solidarité, le réseau de récupération et de transformation de vêtements – 70 structures d’insertion, 125 boutiques, 1 780 salariés en insertion en 2010 –, a des partenariats avec plusieurs entreprises d’habillement. Certaines fondations, comme celle de Chanel, apportent un « mécénat de compétence », c’est-à-dire une formation des personnes en insertion par des professionnels de la marque. Des certificats de compétences sont délivrés. La griffe Tissons la solidarité, parrainée par Christian Lacroix, distingue une sélection de tenues recomposées selon les tendances élaborées par des professionnels du luxe.

Caroline Portes, directrice du réseau Tissons la solidarité, pense qu’à leur sortie, les « petites mains » en réinsertion pourraient pallier la faiblesse du secteur du luxe, qui ne produit plus guère en France. Car les métiers de la vente s’avèrent, eux, difficiles d’accès : les diplômés et les jeunes y ont la priorité, constate la directrice.

François Soulage pour une « clause sociale »

Pour mieux ouvrir les portes de l’emploi traditionnel, François Soulage, président du Secours Catholique, se dit prêt à réfléchir avec les entreprises à la définition d’une « clause sociale » que celles-ci pourraient introduire dans leurs marchés de sous-traitance. À l’image de la clause d’insertion, qui impose aux autorités lançant des marchés publics de réserver 5 % des heures de travail nécessaires à des personnes éloignées de l’emploi : jeunes sans qualification, personnes handicapées, bénéficiaires du RSA, demandeurs d’emploi de longue durée.

Source
Secours Catholique : http://bit.ly/zI0yM4