CNUCED: La coopération Sud-Sud aide les PMA à progresser

La coopération Sud-Sud peut être propice à la naissance d’un État plus efficace dans les pays les moins avancés (PMA), d’après le dernier rapport de la CNUCED, qui propose un nouveau rôle pour l’État dans ces pays, un État qui convienne mieux aux vulnérabilités et aux contraintes structurelles de ces pays.

Le Rapport 2011 sur les Pays les Moins Avancés, publié la semaine dernière, est intitulé "La contribution potentielle de la coopération Sud-Sud à un développement équitable et durable".

L’État dans les PMA doit s’attacher à créer de nouvelles capacités productives, notamment un avantage comparatif dynamique, et à assurer la disponibilité de ressources financières pour l’investissement à long terme. La coopération Sud-Sud ouvre de nouvelles possibilités dans ce sens.

Le rapport constate même que la coopération Sud-Sud et le développement des capacités de l’État dans les PMA peuvent se renforcer mutuellement. Tout en avertissant qu’il ne faut pas considérer cette coopération comme une solution miracle, le Rapport souligne qu’elle peut être une stratégie gagnant-gagnant pour les PMA et pour leurs partenaires du Sud.

Dans la plupart des PMA, l’État n’a guère les moyens de financer des politiques de soutien de la croissance, car il est confronté à des difficultés telles que l’absence d’économies d’échelle, la sous-utilisation des ressources dans l’économie rurale et des carences technologiques et financières.

Le rapport fait valoir que la coopération Sud-Sud est à même d’aider les PMA à se doter de certaines capacités nécessaires au développement, par trois moyens principaux: un soutien direct aux activités de renforcement des capacités de l’État; le partage d’expériences concernant les grandes orientations; et un apport de sources de financement nouvelles.

L’expérience des économies en développement prospères est particulièrement utile, dans les PMA, la promotion de petites et moyennes entreprises dynamiques, l’élaboration de mécanismes novateurs de lutte contre la pauvreté rurale, et la création d’un consensus élargi en faveur de la croissance.

Les PMA pourraient tirer des enseignements précieux de l’action menée contre la pauvreté par certains partenaires du Sud telle que: Bolsa Familia au Brésil, les mécanismes de garantie de l’emploi rural en Inde, et l’Initiative Spark de la Chine, qui a créé des emplois non agricoles dans des entreprises citadines ou villageoises.

Les leçons tirées de l’expérience des pays en développement qui réussissent le mieux aident les PMA à créer de meilleures institutions pour promouvoir la transformation structurelle, la création d’emplois et la réduction de la pauvreté.

 

Le sud pourrait changer la donne pour les pays les moins avances

Le Rapport  fait valoir que les économies en développement dynamiques sont une chance pour les PMA, mais qu’un cadre rationnel est nécessaire pour mettre à profit le potentiel de ces partenariats nouveaux.

Le rapport indique que les perspectives économiques à moyen terme pour ces pays sont probablement moins bonnes que dans la décennie écoulée, en raison des risques de récession qui touchent les économies développées et aussi des incertitudes qui entourent le rééquilibrage de l’économie mondiale.

Les prévisions à moyen terme laissent présager des taux de croissance moyens de l’ordre de 5,8 %, soit près de un point et demi de moins que pour la période 2002 - 2008.

La mauvaise conjoncture extérieure va affecter les perspectives de croissance des PMA, notamment le dynamisme de leurs exportations, compromettant ainsi leur stratégie de développement, qui est fondée sur une croissance tirée par l’exportation. En 2010, les exportations de marchandises des PMA ont été inférieures à leur niveau de 2008. La balance commerciale est devenue négative pendant et après la crise, contribuant à une sérieuse détérioration du compte courant de la balance des paiements.

On constate par ailleurs davantage d’instabilité, surtout dans les cours des produits de base. Autre facteur très préoccupant pour beaucoup de PMA, les prix des combustibles et des produits alimentaires se sont à nouveau accrus. Ces tendances se sont installées dans un contexte de fléchissement des entrées de capitaux privés, et peut-être de diminution de l’aide.

Avec la baisse de la demande de leurs produits dans les pays développés, les PMA doivent chercher des débouchés ailleurs. Les pays en développement dynamiques, ainsi que les partenaires régionaux pourraient devenir de nouveaux clients pour les PMA.

À mesure qu’ils ont ouvert leur économie et sont devenus plus tributaires de l’exportation de produits primaires, les PMA sont aussi devenus plus vulnérables aux brusques changements des conditions extérieures. La reprise après la "triple crise" --alimentaire, énergétique et financière-- est, au mieux, partielle dans les PMA, et la situation mondiale actuelle et ses perspectives à moyen terme ne sont guère prometteuses.

En outre, si les tendances actuelles en matière de réduction de la pauvreté et de démographie se poursuivent, les PMA risquent de devenir un jour le principal foyer d’extrême pauvreté dans le monde.

Malgré un retour de la croissance au début de la décennie 2000 et leur apparente résilience face à la récession, les PMA ne jouent toujours qu’un rôle marginal dans l’économie internationale. En 2009, alors qu’ils représentaient un huitième de la population de la planète, ils fournissaient moins d’un centième de la production mondiale.

Le taux de croissance de 7,2 % enregistré par les PMA pendant la période d’expansion s’est avéré insuffisant pour renverser la tendance dans la disparité de revenu avec les autres pays en développement. L’économie des PMA représente aujourd’hui à peine 1 % des exportations mondiales de marchandises et leur part des investissements étrangers directs (IED) n’est que d’environ 2,5 %.

 

Expansion des relations économiques PMA-Sud

Le Rapport montre comment, en l’espace d’une décennie, les relations économiques avec les partenaires du Sud se sont intensifiées, devenant un facteur d’intégration des PMA dans l’économie mondiale.

Plus précisément, l’étude indique que dans la décennie écoulée, les pays en développement expliquent près de la moitié de l’expansion des exportations totales de marchandises des PMA, et que l’importance des marchés du Sud augmente régulièrement pour l’ensemble des PMA.

En 2009, les pays en développement non PMA absorbaient plus de la moitié des exportations des PMA et fournissaient environ 60 % de leurs importations. Les exportations des PMA sont dominées par les produits primaires, qui représentent plus de 90 % du total, alors que les produits manufacturés constituent à peu près les deux tiers des importations des PMA en provenance des non PMA.

Les économies du Sud ont ouvert aux PMA un meilleur accès au capital, particulièrement sous forme d’investissement étranger direct (IED). Entre 2003 et 2010, période où l’apport total d’IED aux PMA augmentait de près de 20 % par an, la part des projets d’investissement financés par les autres pays en développement est passée de 25 % à plus de 40 %.

D’après le rapport de la CNUCED, les relations économiques des PMA avec les autres pays en développement englobent non seulement le commerce et les investissements, mais aussi les migrations, les transferts de connaissances et de technologies, ainsi que la coopération au service du développement.

En particulier, deux tiers des 26 milliards de dollars d’envois de fonds destinés aux PMA en 2010 étaient originaires de pays du Sud. Par ailleurs, bien qu’ils soient modestes par rapport à l’aide traditionnelle Nord-Sud, les courants d’aide publique du Sud contribuent de façon non négligeable au développement des PMA, car ils sont consacrés pour une large part à des secteurs de production, et servent à financer des infrastructures dont les PMA ont grand besoin.

 

Conséquences pour le développement des PMA

Le Rapport signale que ces nouveaux partenariats vont prendre encore plus d’importance dans un avenir proche, étant donné les sombres perspectives de reprise économique dans les pays développés. Néanmoins, cela ne veut pas dire que le Sud est devenu la solution miracle pour les PMA.

Il sera déterminant pour les PMA de voir dans quelle mesure le dynamisme des relations économiques Sud-Sud leur servira de tremplin pour développer leurs capacités de production. Par ailleurs, la coopération Sud-Sud doit être un complément à la coopération Nord-Sud et non un substitut à cette dernière.

Les PMA profitent des relations Sud-Sud, mais ils courent aussi le risque que leur économie se retrouve cantonnée par la nouvelle division internationale du travail dans la production de produits de base, et qu’elle se heurte à une concurrence féroce pour les produits manufacturés à forte intensité de main-d’œuvre.

Durant les années 2000, les hydrocarbures ont représenté 60 % des exportations des PMA vers les autres pays en développement. Mais ceci ne doit pas masquer le fait que les exportations d’articles manufacturés de PMA vers les marchés du Sud ont augmenté d’environ 18 % par an depuis dix ans.

Serait-il plus facile pour les PMA de rattraper le reste du monde s’ils resserraient leurs relations avec les pays du Sud- En dernière analyse, d’après le Rapport de la CNUCED, ce sont les conditions structurelles de l’économie de chaque PMA et les conditions spécifiques de ses relations avec les partenaires du Sud qui vont déterminer l’impact de l’intégration et de la coopération en cours entre les pays du Sud sur son développement.

Le Rapport préconise un appui plus vigoureux aux relations Sud-Sud pour promouvoir les transformations structurelles et la diversification économique des PMA. Il invite instamment les PMA à concevoir une approche stratégique et dynamique de leur intégration avec les pays en développement partenaires, en tirant parti des synergies et des complémentarités qui existent entre eux.

 

Le financement de la croissance dans les pays les moins avancés

L’investissement dans les PMA d’une fraction minime (1 %) des réserves en devises (3 500 milliards de dollars) détenues par les pays en développement plus avancés pourrait accroître considérablement l’apport de ressources aux PMA, selon le Rapport.

Cette nouvelle proposition visant à renforcer la coopération financière Sud-Sud repose sur le fait que l’affectation de capitaux de pays émergents et dynamiques à des investissements destinés au développement des PMA pourrait permettre de renforcer les capacités de production dans ces pays, faciliter le commerce et soutenir le développement durable.

Compte tenu des perspectives de repli de l’aide publique au développement des pays industrialisés confrontés à l’austérité budgétaire, et de la réduction des flux de capitaux privés qui pourrait résulter de la crise, l’accès à de nouvelles formes de financement est indispensable pour soutenir les efforts de développement des PMA.

Une reprise mondiale précaire et la forte contraction des liquidités internationales rendent nécessaire la création de mécanismes financiers susceptibles d’augmenter les capacités de prêt d’institutions telles que les banques régionales de développement. Ces banques pourraient ainsi élargir leurs activités afin d’accorder des prêts à faible intérêt aux PMA, pour faciliter la mise en œuvre des stratégies de développement de ces pays.

La CNUCED propose que les pays en développement disposant d’importants fonds souverains investissent 1 % de leurs actifs dans les banques régionales de développement, par exemple en augmentant le capital versé sur une base volontaire.

En général, ces banques régionales savent fournir les moyens d’un financement efficace du développement, mais elles ont besoin de ressources supplémentaires, notamment pour financer les investissements essentiels dans les PMA.

Ceci pourrait faciliter un renforcement des investissements dans les infrastructures pour promouvoir le commerce et financer les technologies vertes. Les prêteurs et les bénéficiaires devraient décider d’un commun accord de mécanismes et de volumes de financement précis.

Les banques régionales de développement, comme la Banque asiatique de développement, contribuent déjà beaucoup à faciliter l’intégration économique régionale. En Amérique latine, certains pays ont créé des banques sous-régionales, telles que la Banque latino-américaine de développement ou la SAD (Société andine de développement), qui est considérée comme une grande réussite.

Un plus grand engagement des banques régionales permettra aux pays de se sentir davantage concernés par les projets de développement et d’en avoir davantage la maîtrise. Plutôt que d’imposer des conditionnalités, les banques régionales ou sous-régionales de développement préfèrent souvent laisser jouer une sorte de concurrence informelle entre les pays, ce qui leur permet de débourser des ressources de façon plus opportune et plus souple et de mieux tenir compte de l’expérience des pays en développement qui ont réussi.

Les PMA ont un faible pouvoir de négociation avec les grandes institutions financières internationales. Les banques régionales ou sous-régionales de développement peuvent les aider à faire mieux entendre leur voix, et l’asymétrie d’information peut être bien atténuée au niveau régional. Le financement des petites et moyennes entreprises est une autre fonction importante des banques régionales et sous-régionales de développement.

Les secteurs financiers de la plupart des PMA ne sont pas en mesure de remplir ces fonctions de financement, car ils sont étroits, peu développés et vulnérables aux chocs extérieurs. Cette vulnérabilité est accrue par le niveau d’endettement et de dépendance vis-à-vis de l’apport de capitaux étrangers.

Le rôle et le poids relatifs des banques régionales sont appelés à grandir par rapport à celui des institutions financières internationales classiques. Cette évolution devrait améliorer la confiance réciproque entre la banque et ses bénéficiaires, réduire le degré excessif de conditionnalité imposé et rationaliser les opérations de prêts axées sur le développement et leur efficacité dans les PMA.

Entre décembre 2001 et la fin 2010, la valeur des réserves mondiales est passée de 2 050 milliards de dollars à 9 300 milliards. Pour l’essentiel (6 100 milliards de dollars, soit 80 %), l’augmentation des réserves dans cette période était due aux montants accumulés par les pays en développement. Une bonne part des réserves en devises des pays en développement sont détenues par des fonds souverains, dont la gestion est généralement indépendante de la gestion habituelle des réserves par les banques centrales et/ou les ministères des finances. Les actifs totaux de ces fonds sont estimés à 4 300 milliards de dollars, dont 3 500 milliards sont détenus par les pays en développement.

Le rapport prévient toutefois que la coopération Sud-Sud en matière de financement doit être considérée comme un complément et non comme un substitut à l’aide publique au développement. Les nouvelles possibilités de coopération Sud-Sud ne seront efficaces que si elles viennent compléter, et non évincer la coopération Nord-Sud classique pour le développement.

Plus d’information

Rapport 2011 sur les pays les moins avancés-Aperçu général : http://bit.ly/ssy22r

Least Developed Countries Report 2011 (en anglais) : http://bit.ly/sh7ACe

Source

CNUCED: http://bit.ly/vyvjsd