Social Watch : Promouvoir la responsabilité

Social Watch, un réseau qui compte aujourd´hui des membres dans plus de 60 pays dans le  monde entier, a été créé en 1995 comme un  « point de rencontre d’organisations non-gouvernementales préocupées par le développement social et la discrimination de genre », répondant au besoin de promouvoir la volonté politique nécessaire pour accomplir les promesses des Nations Unies. Depuis lors, ce réseau a publié 15 rapports annuels sur les avancées et les reculs de la lutte contre la pauvreté et pour l’équité de genre, et il ne cesse de se développer qualitativement et quantitativement. Ces rapports sont utilisés comme des outils d’incidence aux niveaux local, régional et international.

Depuis le rapport 0, publié en 1996, jusqu’à la présente édition, la quinzième, le Rapport de Social Watch a recueilli plus de 650 rapports d’organisations de la société civile qui partagent tous le même but : rappeler aux gouvernements les engagements pris et assurer le suivi de leur mise en œuvre de façon indépendante, pays par pays et sur le plan international.

Cette édition-ci, qui rassemble les contributions de 64 organisations nationales, garde la flamme allumée lors de la création du réseau en 1995 : le besoin de concevoir des outils et des stratégies pour remédier à l’absence de mécanismes de reddition de comptes et pour assurer le respect des engagements internationaux concernant les politiques sociales et les objectifs de développement.

À l’époque de la création de Social Watch, une série de conférences de haut niveau des Nations Unies -  commençant par le Sommet des enfants en 1990 et finissant par le Sommet du Millénaire en l´an 2000 - ont redéfini l´agenda social international. En 1995, le Sommet mondial pour le développement social (à Copenhague) et la Conférence sur les femmes (à Beijing) ont défini pour la première fois l’éradication de la pauvreté et l’équité de genre comme étant des objectifs universels communs et ont fixé des cibles et un calendrier concret pour atteindre ce que la Charte des Nations Unies avait vaguement formulé en 1946 sous les termes de « dignité pour tous ». Afin de promouvoir la volonté politique nécessaire pour transformer ces promesses en réalité, Social Watch a été créé par un groupe d’organisations de la société civile
comme « un point de rencontre d’organisations non gouvernementales préocupées par le développement social et la discrimination de genre » (Social Watch Nº 0, 1996).

C’est ainsi que le Rapport de Social Watch a été conçu comme un outil puissant pour la présentation des informations statistiques disponibles au niveau international qui rend compte en même temps du volet qualitatif des problèmes abordés à travers l’analyse effectuée par des organisations sociales travaillant directement sur des problématiques différentes au niveau national. Depuis lors, Social Watch a publié des rapports annuels sur les avancées et les reculs dans la lutte contre la pauvreté et pour l’équité de genre, deux objectifs en grande partie superposés puisque la majorité absolue des personnes vivant dans la pauvreté sont des femmes.

Tout en ajoutant une dimension internationale aux efforts et aux campagnes locales, les rapports annuels de Social Watch sont devenus la première initiative durable de surveillance au niveau national consacrée au développement et à l’équité de genre, et la première à combiner les deux approches dans une perspective internationale.

Le rapport 0, publié en 1996, comprenait les contributions de 13 organisations ; depuis lors, le réseau n’a pas cessé de s’ accroître. Actuellement, Social Watch possède des membres ( « watchers » ) dans plus de 60 pays dans le monde entier, et leur nombre augmente chaque année.

L’approche locale, l’approche globale et le Rapport

Mémorandum d’Entente entre les groupes nationaux et le réseau Social Watch

  1. Les coalitions doivent être basées dans un pays et participer activement à la résolution des questions sociales de développement dans ce pays (non pas exclusivement en tant que universitaires ou consultants).
  2. L’engagement fondamental de chaque coalition vis-à-vis du réseau international est de suivre de près et de préparer un rapport sur les engagements et obligations ayant trait à la justice sociale et à l’égalité entre les genres, reconnus au niveau international, selon les priorités de chacune et en tirant ses propres conclusions. A son tour, le réseau international s’engage à diffuser largement ces rapports, en les incorporant dans le Rapport annuel de Social Watch, sur son site web et par d’autres moyens dont il dispose.
  3. Les coalitions nationales doivent utiliser leurs rapports nationaux et les rapports mondiaux aux fins des activités de plaidoyer et de lobby et d’autres formes d’action publique au niveau national. Elles doivent aussi informer les autres membres du réseau de leurs activités liées à celles de Social Watch, dans le but d’échanger des  expériences et de tirer des leçons du succès, des défis et même des échecs et difficultés des autres membres.
  4. Elles ne doivent exclure aucune organisation ; doivent travailler activement pour élargir la prise de conscience deSocial Watch et encourager la participation d’autres organisations aux activités de Social Watch et leur intégration dans la coalition.    
  5. Elles sont chargées de réunir les fonds pour l’exécution de leurs activités. Les coalitions nationales ne comptent pas sur les fonds mis à disposition par le Secrétariat ; elles ne répondent non plus financièrement devant le Secrétariat ou toute autre entité internationale de Social Watch.
  6. Chaque coalition détermine sa propre structure d’organisation. Elle désigne un membre/une organisation participante comme point focal en vue de faciliter la communication avec le Secrétariat International et les autres organes du réseau.
  7. Participer à une coalition de Social Watch et exercer des fonctions gouvernementales sont absolument incompatibles. Seules les organisations à but non lucratif peuvent appartenir au réseau de Social Watch.
  8. La coopération avec d’autres plateformes nationales sera encouragée aux niveaux sous-régional, régional et mondial.
  9. En cas de conflit entre les membres/les organisations participantes d’une coalition sur des questions liées àSocial Watch (par exemple, désignation d’un point focal, contribution au Rapport de Social Watch, désignation de délégués qui prendront part à l’Assemblée de Social Watch), toutes les parties concernées doivent faire preuve de bonne volonté pour  résoudre les problèmes au niveau national. Si, dans des cas exceptionnels, les parties ne parviennent pas à une entente, le Comité de coordination peut prendre la décision qui s’impose.  
  10. Pour manifester leur affiliation au réseau, toutes les coalitions sont encouragées à utiliser le logo de Social Watchquand il s’agit des activités directement liées aux buts et objectifs de Social Watch. Elles sont invitées  à informer le Secrétariat International de ces activités. Dans d’autres cas, elles doivent demander d’avance la permission auprès du Secrétariat International ou du Comité de Coordination pour l’utilisation du nom et du logo de Social Watch. 

LeMémorandum d’Entente a été adopté lors de la première Assamblée Générale de Rome, en 2000. Il a été ratifié et mis à jour pendant l’Assamblée de Accra  en  2009. Disponible sur : <www.socialwatch.org/fr/node/11156>.

Chaque année Social Watch analyse en profondeur un thème différent dans son rapport, généralement lié à des sujets en discussion dans l’agenda international qui peuvent être abordés d’un point de vue local. Des experts d’origine et de disciplines différentes apportent des visions alternatives aux problèmes à travers les articles thématiques. Cette perspective internationale est complétée par l’élaboration des rapports nationaux et régionaux dans lesquels les organisations faisant partie du réseau offrent un point de vue local et font l’état des lieux des affaires de leur pays à propos du thème spécifique de l’année.

D’autre part, Social Watch produit des indices et des tableaux comportant des données comparables sur le plan international qui présentent une macro perspective de la situation dans certaines dimensions du développement, mais permettant également une lecture au niveau national. Social Watch a mis au point des indicateurs alternatifs pour mesurer les avancées et les reculs dans les domaines de l’équité de genre et de la satisfaction des capacités humaines de base, qui actuellement sont utilisés comme référence aussi bien par la société civile que par des institutions internationales. Ces indicateurs comprennent l’Indice d’équité de genre (IEG) et l’Indice de capacités de base (ICB).

Bien que les membres de Social Watch utilisent le rapport afin de   plaidoyer dans de différents domaines, la publication du rapport et celle des indices représentent des occasions clés pour la diffusion de leurs contenus, et se déroulent non seulement au sein des espaces de débat international mais aussi dans chaque pays concerné. Le Secrétariat publie le rapport en plusieurs langues : espagnol, anglais, français, arabe. Certaines coalitions nationales publient également leurs propres versions du rapport : l’Espagne, l’Italie, la République Tchèque, l’Allemagne, la Pologne, l’Europe, l’Inde et le Brésil. D’autres coalitions publient une sélection du matériel. Par exemple, les coalitions tchèque et italienne publient l’Indice d’équité de genre, tandis que la coalition de Social Watch au Ghana a publié une compilation de ses rapports nationaux et Social Watch Bénin publie une revue trimestrielle, Social Watch Bénin. D’autre part, en décembre 2009 le premier rapport européen de Social Watch a été publié : Migrants in Europe as Development Actors: Between hope and vulnerability.

Des Documents occasionnels (Occasional papers) sont également publiés, notamment dans le but de contribuer à la formation des coalitions membres ; plusieurs ateliers de formation ont été réalisés au niveau régional et plusieurs documents de référence ont été rédigés. Par exemple, en 2010 Social Watch a publié Au-delà de Beijing – L’heure de l’économie de genre – 15 ans après la quatrième Conférence mondiale sur les femmes[1]. Cette publication a été lancée le 9 mars 2010 au siège des Nations Unies à New York, à l’occasion de la révision de la Commission de la condition de la femme pour commémorer le 15ème anniversaire de l’adoption de la Déclaration de Beijing et de sa Plate-forme d’action.

Par ailleurs, à travers son site Internet, son blog, et sa présence dans les réseaux sociaux virtuels, Social Watch utilise les nouveaux outils multimédias pour diffuser des informations sur les questions liées au genre, au développement et aux droits humains, pour promouvoir le débat entre les membres de la société civile et apporter des idées aux politiciens et aux journalistes. Les stratégies de plaidoyer, de communication et de campagne se complètent mutuellement pour atteindre leurs objectifs. En même temps, Social Watch fait des efforts pour publier le rapport dans d’autres langues et dans d’autres formats afin de toucher un public plus large.

À plusieurs reprises, les porte-parole de Social Watch ont parlé devant l’Assemblée générale de l’ONU et devant d’autres organismes intergouvernementaux au nom du réseau ou de secteurs plus vastes de la société civile. En août 2009, Social Watch a ouvert un bureau à New York pour assurer une présence permanente aux Nations Unies et coordonner des actions d’incidence avec les missions nationales auprès de l’ONU, des agences internationales et d’autres réseaux d’ONG. Social Watch a aidé ses membres à participer aux processus globaux de prise de décisions et il a transmis régulièrement des informations portant sur ces processus aux coalitions nationales.

Un réseau flexible

Le « point de rencontre » s’est accru et a changé à bien des égards, mais il conserve les idées et les objectifs qui ont été à la base de sa création. Dans le processus préparatoire du Sommet social de Copenhague, les organisations de la société civile ont adopté des formes flexibles d’organisation en réseau ad hoc. Aucune structure formelle n’a été créée et aucun comité de direction ou groupe de coordination stable n’a été mis en place. Les organisations non gouvernementales (ONG) ont préféré coordonner les actions dans des espaces horizontaux et ouverts ce qui, pour certains analystes, a créé un précédent pour le format d’organisation que le Forum social mondial adopterait plus tard. Parmi ces organismes, plusieurs ont formé et forment encore l’épine dorsale de Social Watch, ce qui fait que la structure et le fonctionnement du réseau conservent une grande partie de leur souplesse et de leur ouverture d’esprit originales.

En plus des coalitions nationales, la structure du réseau comporte trois volets principaux : l’Assemblée générale, le Comité de coordination et le Secrétariat international. Au cours de ces dernières années des structures de coordination régionales et sous-régionales ont été également créées pour former un espace de coordination, sans être pour autant une instance intermédiaire dont le rôle serait de relier l’échelon local à l’échelon mondial.

Le réseau Social Watch n’est pas une entité constituée comme personne morale et son point de départ n’a pas été la formulation de ses statuts de fonctionnement. Un Mémorandum d’entente essentiel (voir encadré) a été créé entre les coalitions nationales et le réseau, qui fonctionne comme cadre au sein duquel sont fixées les attentes pour le travail en commun, en respectant l’autonomie des membres et la prise de décisions démocratique et horizontale. Un des principes fondamentaux qui distingue Social Watch d’autres réseaux internationaux de la société civile est l’absence d’une structure centrale qui fournit des fonds à ses membres. Cette logique de fonctionnement permet d’éviter non seulement les tensions associées à une relation de type donateur/récepteur à l’intérieur du réseau, mais aussi la perte d’énergie dans les discussions sur les financements, les budgets, les rapports et les procédures, ce qui renforce le sentiment d’appartenance des membres.

Chaque Coalition nationale décide de la façon dont elle veut ou peut s’organiser en fonction des conditions existant dans chaque pays. La composition de Social Watch est très variée et comprend des instituts ou des centres de recherche, des organisations non gouvernementales, des organisations de la société civile, des syndicats, des groupes de femmes, des organisations rurales et autres.

Assemblée générale

L’Assemblée générale est l’organe suprême de direction du réseau. Les débats en matière de politique et la planification stratégique à moyen et à long terme se déroulent dans ce cadre, qui sert de forum pour la prise de décision. C’est aussi un espace pour consolider le sentiment d’appartenance et renforcer l’identité et l’unité du réseau. L’Assemblée se réunit tous les trois ans. Les Assemblées précédentes se sont tenues à Rome en 2000, à Beyrouth en 2003, à Sofia en 2006, à Accra en 2009[2] et la prochaine Assemblée aura lieu aux Philippines en 2011. Outre l’établissement de priorités pour le moyen et le long terme et l’identification de partenariats potentiels dans la stratégie de plaidoyer, l’Assemblée choisit les membres du Comité de coordination qui sont responsables de la coordination et de la direction politique entre deux Assemblées.

Comité de coordination

Le Comité de Coordination (CC) est le principal organe politique chargé du travail « quotidien » du réseau. Il est doté d’une structure qui exige une communication fluide, notamment à travers une liste de courrier électronique, des réunions publiques tenues deux fois par an et des conférences téléphoniques régulières pour aborder des questions spécifiques.

Le CC est chargé de « garantir la visibilité politique et la participation du réseau dans des espaces et des processus pertinents »,[3] et son intégration a pour but la représentation géographique et l’équilibre de genre, mais elle tient compte également de la contribution en termes d’expérience et des compétences que ses membres peuvent fournir à l’ensemble du réseau. En général, les décisions du CC sont adoptées par consensus et elles sont dûment communiquées aux watchers. La participation permanente de deux membres du Secrétariat en tant que membres ad hoc du CC assure la coordination entre les deux organismes. Le Secrétariat est chargé de soutenir et de mener à bien les décisions prises dans cet espace.

Secrétariat international

Le Secrétariat est l’organe exécutif principal de Social Watch. La première évaluation externe du réseau (1995-2000) soulignait déjà que « parmi les différentes fonctions exercées dans le cadre du réseau, celle de Secrétariat est celle qui a le plus changée » (Hessini et Nayar, 2000). Au début, elle se limitait à garantir la rédaction du Rapport, mais le développement du réseau a obligé le Secrétariat à assumer une série de nouvelles responsabilités, y compris les activités de recherche, de formation, de promotions de campagnes et de représentation du réseau dans différents forums internationaux.

Promouvoir la responsabilité

L’Assemblée d’Accra, qui s’est tenue en octobre 2009, a établi le concept de « responsabilité mutuelle » entre les membres et entre les différentes branches du réseau (secrétariat, CC, membres). Social Watch estime que l’action fondamentale pour éradiquer la pauvreté et atteindre l’équité de genre et la justice sociale doit se faire en premier lieu aux niveaux local et national et, par conséquent, ses activités et ses structures internationales doivent être responsables et rester au service des instances nationales et locales et non pas l’inverse.

Social Watch atteindra ses objectifs grâce à une stratégie globale de plaidoyer, de sensibilisation, de suivi, de développement organisationnel et de création de réseaux. Social Watch promeut un développement durable centré sur les gens. La paix est une condition préalable pour le respect des droits humains, des droits des femmes et pour l’éradication de la pauvreté. Mais, dans le même temps, la pauvreté et le manque de respect des droits humains sont à la base de nombreux conflits armés. Par conséquent, les effets dévastateurs qu’entraînent les situations de conflit et de post-conflit sur les personnes revêtent un intérêt particulier pour Social Watch.

Références

Friedlander, E. et Adams, B. (2006). Social Watch external evaluation 2001-2005. Disponible sur : <www.socialwatch.org/sites/default/files/SW_Evaluation_report.doc>.

Hessini, L. et Nayar, A. (2000). A movement Toward Social Justice. An evaluation report.Analyse stratégique pour l’équité de genre (SAGE). New York.

Social Watch N ° 0 (1996). The starting point. Instituto del Tercer Mundo. Montevideo. Disponible sur : <www.socialwatch.org/node/11328>.

Social Watch (2006). Strategy and Framework of Activities 2007-2009. Disponible sur : <www.socialwatch.org/sites/default/files/2006/about/cambiarSW_Strategy_Framework_2007-2009.doc>.

Van Reisen, M (2001). The lion’s teeth. The prehistory of Social Watch. Instituto del Tercer Mundo. Montevideo. Disponible sur : <www.socialwatch.org/node/79>.

[1] Disponible sur le site : <www.socialwatch.org/es/node/11578>. Le premier Document occasionnel de Mirjam van Reisen, Les dents du lion, aborde le contexte politique qui a conduit à la création de Social Watch. Le deuxième, Contrôle citoyen, d’Ana María Arteaga, analyse l'expérience de la démocratisation des instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme qui a eu lieu au Chili en 1997. La troisième de ces publications, compilée par Patricia Garcé et Roberto Bissio, présente l'expérience de suivi des objectifs de Copenhague à travers l'exemple concret de Social Watch. Les Documents 4 et 5, coordonnés par l’équipe de recherche de Social Watch, abordent la pauvreté et l’inégalité en Amérique latine et les liens existants entre la pauvreté et les droits de l'homme. Les Documents occasionnels sont disponibles sur le site : <www.socialwatch.org/es/taxonomy/term/459>.

[2] Les rapports définitifs, les documents de base et d’autres matériaux de ces quatre Assemblées sont disponibles sur le site : <www.socialwatch.org>.

[3]Le document qui décrit les caractéristiques et le mandat du Comité de coordination a été adopté lors de la IIe Assemblée générale de Beyrouth en 2003. Disponible sur : <www.socialwatch.org/es/node/9389>.