La Belgique : « Une pétition vivante contre le réchauffement climatique »

Photo : CNCD-11.11.11

En septembre, 80.000 citoyens belges avaient chanté pour le climat en l’action « Sing For The Climate », menée tout au long de l’été et surtout le weekend des 22 et 23 septembre et organisée par le Centre national de coopération au développement (CNCD-11.11.11). Aujourd’hui, c’est l’heure des revendications, selon Arnaud Zacharie, secrétaire général du CNCD-11.11.11,

 « Il peut paraître intéressant à court terme pour un gouvernement de polluer plus pour accumuler un maximum de richesses. Ensuite, les efforts effectués aujourd’hui pour l’environnement ne bénéficieront en grande partie qu’aux générations futures, c’est-à-dire au moment où nos représentants politiques ne seront plus au pouvoir », a dit Zacharie, interviewé par Olivier Mouton, du quotidien belge Le Soir.

Les 22 et 23 septembre derniers, quelque 80.000 personnes ont chanté pour le climat à l’initiative des ONG. Cela a-t-il déjà servi à quelque chose ?

Nous avions voulu organiser une manifestation ludique et chantante qui s’est muée en pétition vivante. Cela nous permet d’aller interpeller les décideurs belges avec le soutien de ces 80.000 citoyens. Nous avons rencontré jeudi le gouvernement wallon avec une des classes qui s’était mobilisée en septembre.

Pour lui dire quoi, au gouvernement ?

Nous avions inscrit quatre grandes revendications sur un panneau que nous avons demandé aux ministres de signer pour accord. La première, c’est la réduction de 30 % des émissions de gaz à effet de serre à l’horizon 2020. De 1990 à aujourd’hui, la Belgique ne les a réduites que de 7,5 %. C’est dire que pour réussir cet engagement, il faudra changer de braquet. La deuxième revendication concerne le cadre post-Kyoto. L’année dernière à Durban, les gouvernements ont décidé de prolonger ce protocole en s’engageant à trouver un nouveau cadre pour 2020 au plus tard. A nos yeux, c’est beaucoup trop tard. La Belgique doit être pionnière pour faire avancer le débat, vite.

Les ministres wallons ont signé cela ?

Oui, c’est signé. Notre troisième revendication concerne la transition socioécologique. Il faut s’engager dès maintenant vers une économie à bas carbone et moins gourmande en ressources naturelles parce que selon nous, c’est une alternative pour sortir de la crise économique et financière par le haut. Nos dettes financières n’ayant d’égal que nos dettes écologiques, il faut faire le constat que nous sommes dans un système économique qui est à bout de souffle. Il faut changer de modèle ! Ils ont signé aussi.

Le quatrième point nous concerne au plus haut point en tant que coupole des ONG Nord-Sud. C’est la décision qui a été prise de financer un fonds vert pour l’adaptation au changement climatique dans les pays pauvres, à hauteur de 100 milliards de dollars par an à partir de 2020. Un fonds « fast-start » devait mobiliser 30 milliards de dollars de 2010 à 2012. La Belgique s’est engagée à mobiliser que 150 millions, mais elle n’a fait que deux tiers du chemin. Il reste deux mois et demi pour trouver 50 millions. Les ministres ont aussi signé en ajoutant sur le panneau que c’était un engagement du gouvernement Leterme. Une façon de ne pas l’assumer ? Pour nous, c’est primordial : il y a déjà un impact du réchauffement dans les pays africains. On ne peut pas attendre 2020.

La « justice climatique » : le thème de la campagne 11.11.11…

Absolument. Ce que l’on ne dit pas assez, c’est que nous mettons en avant dans nos campagnes de développement des microprojets destinés à développer des solutions liant les problèmes climatiques à ceux du développement. Ceux-ci pourraient être appliqués à échelle plus large par les politiques gouvernementales. Je pense notamment à une exploitation durable de la forêt par les communautés locales ou à des techniques relatives à une utilisation plus rationnelle de l’eau.

Le contexte budgétaire belge est préoccupant. On parle d’une baisse de 10 % des moyens de la coopération. Votre pétition peut-elle être entendue ?

On a parfois l’impression que sur le discours, nous sommes entendus, en tout cas partiellement. Mais quand il s’agit de passer à l’acte, la realpolitik revient au grand galop. Le gouvernement fédéral a analysé toutes les dépenses 2012 qui n’étaient pas encore engagées et a décidé de comprimer celles de l’aide au développement. Sur 1,4 milliard, il restait 400 millions à engager. Forcément : on ne dégage l’argent que quand on est prêt à le faire pour déboucher sur des résultats efficaces. Supprimer ces 400 millions, cela veut dire que l’on arrête net des projets, tout simplement.

C’est la difficulté, pour la justice climatique, de mener des politiques à long terme malgré l’urgence financière ?

Exactement. Il y a un double frein politique. Tout d’abord, il peut paraître intéressant à court terme pour un gouvernement de polluer plus pour accumuler un maximum de richesses. Ensuite, les efforts effectués aujourd’hui pour l’environnement ne bénéficieront en grande partie qu’aux générations futures, c’est-à-dire au moment où nos représentants politiques ne seront plus au pouvoir. Qui plus est, c’est un problème mondial pour lequel 193 Etats doivent s’entendre, ce qui est loin d’être évident.

Les citoyens devront encore chanter…

Je le crains. Or, le coût de l’inaction sera bien plus élevé que celui de l’action.
Sources
Le Soir : http://bit.ly/UZ8L7S
CNCD 11.11.11 : http://bit.ly/XP4Qle